Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/131

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se répandre par toute la plaine, et toutes ces épées, tous ces dards se tourner contre lui, jugea qu’il n’y avait pas un moment à perdre, et, profitant de la presse pour cacher son rang, s’élança sur un cheval, et s’enfuit à toute bride.

(12) Le faible groupe qui le défendait fut taillé en pièces, ou culbuté et foulé aux pieds par les masses auxquelles il essaya de faire tête. Le siége impérial et le coussin de brocard qui le couvrait furent à l’instant mis en morceaux.

(13) Le bruit aussitôt se répand que l’empereur a failli périr, et que sa vie est encore menacée. L’ardeur du soldat, qui ne le savait pas hors de danger, s’exalte à l’idée de sauver son prince. Il pousse des cris de rage, et, à peine armé (car on était pris à l’improviste), fond sur l’ennemi, qui se bat en désespéré.

(14) Impatients de venger sur ces traîtres l’affront fait à leur empereur, les nôtres ne firent aucun quartier : morts, mourants ou sans blessures, tout fut foulé aux pieds ; il ne fallut pas moins que des monceaux de cadavres pour assouvir leur courroux.

(15) Les Limigantes furent tous tués sur la place, ou dispersés au loin encore, parmi ces derniers, ceux qui fondèrent un vain espoir sur leurs prières n’en furent pas moins percés de coups. La retraite ne sonna qu’après leur destruction complète. On put alors reconnaître nos pertes, qui étaient peu considérables. Nous n’avions à regretter que ceux des nôtres qu’avait surpris le premier choc, ou qui étaient tombés victimes de leur précipitation à s’exposer à demi nus.

(16) Le coup le plus sensible pour nous fut la mort du tribun des scutaires Cella, qui s’était, dès le commencement de l’action, jeté au milieu des Sarmates.

(17) Constance, par cette vigoureuse exécution, tirait vengeance d’un ennemi perfide, et assurait l’intégrité de nos frontières. Il revint ensuite à Sirmium, d’où il se rendit à Constantinople, après avoir pris à la hâte les mesures commandées par l’état critique des affaires. Placé là presque au seuil de l’Orient, il se trouvait à portée de remédier au désastre d’Amida et de recruter son armée, pour opposer enfin une force égale aux armements du roi de Perse ; car, à moins que la Providence n’intervînt pour nous par quelque diversion sérieuse, ce dernier allait indubitablement reporter la guerre en Mésopotamie et au- delà.

Chapitre XII

(1) Au milieu de ces alarmes, un fléau dès longtemps acclimaté parmi nous, je veux dire cette tendance fatale à supposer le crime de lèse-majesté sur la moindre apparence, vint substituer ses agitations à celles de la guerre étrangère. Le principal auteur, ou, pour mieux dire, la cheville ouvrière de toutes les accusations, fut le trop fameux notaire Paul, dont l’atroce industrie exploitait à son profit les bras du bourreau et les instruments de supplice, comme l’entrepreneur du cirque spécule sur le meurtre, de ses gladiateurs, à tant par tête.

(2) Cherchant à tout prix des victimes, jamais il n’hésitait à employer la fraude et à étreindre un innocent dans les liens d’une accusation capitale, pour peu que sa cupidité s’y trouvât intéressée.

(3) Une circonstance vulgaire, et des plus indifférentes, donna ouverture à un nombre infini d’accusations. Au fond de la Thébaïde se trouve la ville d’Abydos, où se rendent les oracles du dieu Bésa, objet d’un culte local d’une origine très