Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/139

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de Julien de venir l’aider de ses avis, il ne répondit que par un refus obstiné. La lettre de ce dernier, en effet, disait en termes formels (ce qui était loin de rassurer Florence) que le poste du préfet était près du général dans les moments difficiles. Julien ajoutait que s’il persistait à le laisser seul, il allait lui-même déposer le titre de César, préférant la mort à la responsabilité terrible qui allait peser sur lui. Mais toutes les raisons vinrent se briser contre l’opiniâtreté du préfet.

(9) Ainsi livré à ses incertitudes par l’absence d’un de ses conseils et la pusillanimité de l’autre, Julien, après quelque hésitation, jugea n’avoir d’autre parti à prendre que de presser officiellement le départ, et fit mettre en marche les troupes déjà sorties de leurs quartiers.

(10) Au moment où l’on publiait l’ordre, un pamphlet fut jeté au pied des enseignes des Pétulants. Entre autres excitations il contenait ce qui suit : "On nous relègue aux extrémités du monde, comme des proscrits, des malfaiteurs ; et nos familles, que nous avons, au prix de tant de sang, arrachées à la servitude, vont retomber sous le joug des Alamans."

(11) Cette pièce fut portée au quartier général et lue par Julien, qui, reconnaissant quelque justesse dans la plainte, permit aux femmes et aux enfants des soldats de les suivre en Orient, et mit à leur disposition les transports publics. Comme on hésitait sur la route qu’on leur ferait prendre, le notaire Ducence proposa de leur faire traverser Paris, que Julien n’avait pas encore quitté ; et cet avis prévalut.

(12) À l’entrée des troupes dans le faubourg, le prince alla au-devant, selon sa coutume. Il adressa la parole à tous ceux qui lui étaient connus, les loua individuellement de leurs bons services, et les engagea tous à se féliciter de rejoindre le drapeau de l’empereur : "Là, disait-il, ainsi que la générosité, la puissance était illimitée ; là les attendaient enfin des récompenses dignes d’eux."

(13) Pour leur faire plus d’honneur, il réunit les chefs dans un dîner d’adieux, les invitant à lui adresser en toute liberté leurs demandes. Mais la bienveillance même de son accueil augmentait l’amertume de leurs regrets ; et l’on rentra dans ses quartiers ne sachant ce qu’on devait déplorer le plus de la nécessité de quitter un pareil chef, ou de celle de s’expatrier.

(14) Vers le milieu de la nuit les esprits s’échauffent, l’aigreur du chagrin se tourne en désespoir, et bientôt en révolte. On court aux armes ; on se porte en grande rumeur vers le palais ; on en bloque toutes les issues. D’effroyables clameurs proclament aussitôt Julien Auguste, en insistant obstinément pour qu’il ait à se montrer. Il était nuit ; force leur fut d’attendre. Mais au point du jour le prince, réduit enfin à paraître, est de nouveau salué du nom d’Auguste par un concert unanime d’acclamations.

(15) Cependant Julien restait inflexible. Il adjurait tous et chacun d’eux, tantôt avec l’accent de l’indignation, tantôt en étendant vers eux des mains suppliantes, de ne pas ternir par un acte odieux l’éclat de tant de victoires : c’était le déchirement de l’État qu’ils allaient opérer par cette manifestation inconsidérée. Puis, profitant d’un moment de calme, il ajouta, du ton le plus conciliant :

(16) "Point d’emportement, je vous en supplie : ce