Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/140

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que vous désirez tous peut être obtenu sans révolution, sans guerre civile. Puisque le sol de la patrie a tant de charmes pour vous, puisque vous craignez tant le voyage, retournez dans vos cantonnements : nul de vous, contre son gré, ne verra le revers des Alpes. Je me charge, moi, de vous justifier. La haute sagesse et la prudence d’Auguste sauront comprendre mes raisons."

(17) De toutes parts à ces mots les clameurs éclatent avec une force nouvelle, et les reproches et les injures commencent à s’y mêler. César se vit enfin forcé de souscrire à leur exigence. Élevé sur le bouclier d’un fantassin, il fut salué Auguste tout d’une voix. On voulut ensuite qu’il ceignît le diadème ; et comme il déclara n’avoir jamais eu d’ornement semblable en sa possession, on demanda le collier de sa femme, ou sa parure de tête.

(18) Julien s’y refusa, disant qu’un ajustement féminin inaugurerait mal un commencement de règne. On se rabattit alors sur une aigrette de cheval, afin qu’à défaut de couronne un insigne quelconque annonçât en lui le pouvoir suprême. Mais Julien s’en défendit encore, alléguant l’impropriété d’un pareil ornement. Alors un certain Maurus ; promu depuis à la dignité de comte, qu’il soutint assez mal au pas de Sucques, mais qui n’était alors que simple hastaire dans lés Pétulants, détacha le collier qui le distinguait comme porte-dragon, et le mit audacieusement sur la tête de Julien. Celui-ci, poussé à bout, comprit qu’il y allait de la vie de persister dans son refus, et promit à chaque soldat cinq sous d’or et une livre d’argent.

(19) Mais toute cette transaction n’était pas faite pour tranquilliser Julien, qui en voyait clairement les conséquences. Il mit le diadème de côté, se renferma chez lui, et s’abstint de vaquer aux affaires même les plus urgentes.

(20) Tandis qu’il va dans son trouble chercher les recoins les plus obscurs de sa demeure, un décurion du palais, poste qui donne une certaine considération, se met à parcourir précipitamment les quartiers des Pétulants et des Celtes, en criant à tue-tête qu’un horrible forfait vient d’être commis. Celui que leur choix, la veille, a proclamé empereur, un assassin l’a frappé dans l’ombre.

(21) Grande rumeur parmi les soldats, dont la turbulence est prompte à s’émouvoir avec ou sans connaissance de cause : les voilà qui brandissent leurs javelots, tirent leurs épées, et courent confusément, comme c’est l’ordinaire dans les émeutes, occuper de vive force les issues du palais. L’effroi s’empare des sentinelles, des tribuns de la garde et du comte Excubitor, qui en avait le commandement suprême. Connaissant de longue main l’esprit révolutionnaire des soldats, les officiers supposent un coup monté, et chacun s’enfuit de son côté pour sauver sa vie.

(22) Cependant, au calme profond qui règne dans le palais, l’effervescence s’apaise. Interrogés sur la cause de cette irruption si brusque et si étrange, aucun d’abord ne sait que répondre. C’est, disent-ils enfin, qu’ils ont craint pour la sûreté du prince. Ils ne quittèrent la place néanmoins qu’après l’avoir vu lui-même en costume impérial dans la salle du conseil, où il fallut absolument qu’ils fussent introduits.

Chapitre V

(1) À la nouvelle des événements de Paris, le corps qui avait pris les devants, sous la conduite de Sintula, s’arrêta court dans sa marche, et revint tranquillement sur ses pas. Un ordre de Julien