Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/141

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alors convoqua pour le lendemain toutes les troupes dans le champ de Mars ; et, déployant lui-même en cette occasion plus de solennité que de coutume, il monta sur son tribunal décoré d’aigles et d’étendards, et environné de tous côtés de cohortes bien armées.

(2) Là il fit une pause de quelques minutes ; puis, ne voyant autour de lui qu’allégresse sur tous les visages, d’une voix qu’il faisait résonner comme le clairon, afin qu’on pût mieux l’entendre au loin, il prononça ces paroles, simples autant qu’animées :

(3) "Généreux guerriers, dont les bras ont si fidèlement et si noblement combattu pour votre général et pour la patrie ; qui tant de fois avez prodigué votre sang avec moi pour conserver nos provinces, la circonstance est trop pressante pour comporter de longs discours. Votre volonté bien arrêtée m’a porté du rang de César au faîte la toute-puissance. C’est toute une révolution que vous venez de faire ; il reste à la consolider par de sages mesures.

(4) Décoré de la pourpre à peine adolescent, et (vous le savez comme moi) seulement pour la forme, depuis que la divine Providence m’a placé sous votre tutelle, je ne me suis jamais écarté de la ligne du devoir. Vous m’avez vu prendre part à tous vos travaux, lorsque après le sac de tant de villes, le meurtre de tant de milliers de nos concitoyens, l’œuvre de destruction, propagée par l’audace des barbares allait s’étendre au peu que leur fureur avait encore épargné. Je ne vous rappellerai pas combien de fois au fort de l’hiver, par un ciel de glace, lorsque d’ordinaire on fait trêve aux combats et sur la terre et sur les eaux, avons attaqué et repoussé victorieusement les Alamans, jusqu’alors indomptés.

(5) Mais ce qu’on ne peut oublier ni passer sous silence, c’est cette belle journée d’Argentoratum, l’aurore de la liberté des Gaules. Là, courant moi-même au travers d’une grêle de traits, je vous ai vus tour à tour résister comme des rocs, avec ce courage affermi par tant d’épreuves ; puis vous précipiter comme un torrent, déborder, surmonter les masses ennemies qui mordaient la poussière à vos pieds, ou s’abîmaient sous les flots ; noble succès acheté par le sang de bien peu des nôtres, dont le trépas dut être plus glorifié que pleuré.

(6) À vous qui avez si bien mérité de la patrie, dirai-je ce qui reste à faire pour que le souvenir en soit vivant chez la postérité la plus reculée ? Défendre aussi énergiquement contre toute agression celui que vos propres mains ont élevé au pouvoir suprême.

(7) De mon côté, pour maintenir l’ordre, conserver intacte la règle d’équité dans l’avancement, et fermer la porte aux envahissements secrets de l’intrigue, je décrète, sous la sanction de cette glorieuse assemblée, que, pour toute promotion dans l’ordre civil ou militaire, il ne sera fait acception d’autre titre que le mérite personnel, et qu’une recommandation sera regardée comme un déshonneur pour quiconque aurait employé ce moyen."

(8) Les simples soldats, qui se voyaient depuis longtemps exclus des grades et des récompenses, saluèrent cette déclaration de principes d’un retentissement approbateur de leurs piques sur leurs boucliers.

(9) Mais les Pétulans et les Celtes, afin que la dérogation suivît la loi d’aussi près