Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/162

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(9) Dans cette conjoncture Hermogène mourut, et sa préfecture fut donnée à Helpidius. Ce dernier, Paphlagonien de naissance, avait quelque chose de commun dans ses manières et son langage ; mais il était d’une simplicité de mœurs antique, et d’un caractère si inoffensif et si doux, que Constance lui ayant un jour donné l’ordre, en personne, de mettre un homme à la torture, il supplia le prince de recevoir sa démission, et de charger de cet office tel autre, qui s’en acquitterait mieux.

Chapitre VII

(1) Menacé de deux côtés, Constance ne savait quel parti prendre. Devait-il aller au loin chercher Julien, ou rester et faire tête aux Perses, que l’on jugeait au moment de passer l’Euphrate ? Après de longues délibérations avec ses principaux officiers, il s’arrêta à l’idée d’en finir d’abord, ou du moins de composer avec l’ennemi qui le pressait de plus près ; puis, une fois assuré sur ses derrières, de franchir ensuite l’Illyrie et l’Italie, pour venir traquer Julien (ainsi qu’il s’exprimait, cherchant à redonner du cœur à son monde), et étouffer dans leur germe les projets de son ambition.

(2) Ne voulant pas toutefois laisser sa propre surveillance s’endormir sur d’autres points, ni prêter le flanc d’aucun côté, il faisait partout répandre le bruit qu’il avait quitté l’Orient, et qu’il s’avançait en forces. Pour prévenir notamment une tentative sur l’Afrique, dont la possession est si précieuse à nos princes, il y envoya par mer le secrétaire d’État Gaudence, le même que l’on a vu dans les Gaules chargé d’espionner la conduite de Julien.

(3) L’obéissance de cet agent lui semblait assurée par deux motifs : les sujets de plainte qu’il avait donnés à l’un des deux partis, et l’empressement naturel de se faire bien voir de celui qui semblait avoir toute chance de triompher ; car c’était une conviction générale que Constance aurait le dessus.

(4) Gaudence, aussitôt arrivé, se mit à l’œuvre. Il transmit par lettres des instructions tant au comte Crétion qu’aux autres autorités, et se fit fournir par les deux Mauritanies une cavalerie légère excellente, avec laquelle il protégea très efficacement tout le littoral en regard des Gaules et de l’Italie.

(5) Constance avait bien choisi son homme ; car tant que Gaudence administra le pays, pas un soldat ennemi n’en approcha, bien que toute la côte de Sicile, depuis Pachyn jusqu’à Lilybée, fût bordée de troupes qui n’eussent pas manqué de passer la mer, voyant le moindre jour à opérer une descente.

(6) Au moment où Constance terminait ces dispositions, qu’il jugeait avec raison bien entendues, et donnait ordre à de moins importantes, il fut informé, par les lettres de ses généraux, que les forces réunies des Perses, leur fier monarque en tête, étaient en pleine marche vers le Tigre, mais qu’on ne pouvait prévoir sur quel point précisément le passage aurait lieu.

(7) Alarmé de cette nouvelle, et voulant être à portée de prévenir son adversaire sur le terrain, il quitta ses quartiers d’hiver au plus vite, rassemblant autour de lui l’élite de ses troupes en cavalerie et en infanterie, passa l’Euphrate sur un pont de bateaux, et se rendit par Capersane à Édesse, ville très forte et largement approvisionnée. Là il fit halte pour s’assurer, par ses coureurs ou par des transfuges, de la véritable direction de l’ennemi.

Chapitre VIII