Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/163

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(1) Sur ces entrefaites, Julien, qui se disposait à quitter Rauraque, après les mesures indiquées plus haut, envoya Salluste comme préfet dans les Gaules, et donna à Germanien le poste laissé vacant par Nébride. Il nomma aussi Névitte général de la cavalerie en remplacement de Guyomer, qui lui était suspect pour avoir, disait-on, lorsqu’il commandait les scutaires sous Vétranion sourdement travaillé à livrer son maître. Jove, dont il est question dans l’histoire de Magnence, fut investi de la questure, et Mamertin de la charge de trésorier. Le commandement de ses gardes fut confié à Dagalaif. Il fit encore plusieurs promotions d’officiers dans l’ordre de mérite personnel, et sans consulter que ses notes particulières.

(2) L’itinéraire que s’était tracé Julien lui faisait traverser la forêt Martienne et longer les deux rives du Danube. Il n’était rien moins que sûr du pays, et avait à craindre qu’on n’entreprît, le voyant si mal accompagné, de lui barrer le chemin.

(3) Une adroite manœuvre le tira de ce danger. Il divisa tout son monde en deux corps. Les uns, sous la conduite de Jove et de Jovin, prirent rapidement la route bien connue de l’Italie. Le reste chemina par le cœur de la Rhétie, ayant pour chef Névitte, général de la cavalerie. Cette diversion donna l’idée d’une masse de forces considérable, et tint en respect à la fois ces deux contrées. Alexandre le Grand, et d’autres capitaines après lui, avaient fait usage de la même tactique.

(4) On était déjà hors des mauvais pas, que Julien recommandait encore d’accélérer la marche, comme lorsqu’on s’attend à une attaque, et de conserver chaque nuit des postes sur pied en cas de surprise.

Chapitre IX

(1) Julien poursuivit ainsi sa route avec la confiance qu’inspire une suite continue de succès, mais en s’entourant de toutes les précautions stratégiques employées ordinairement dans ses expéditions contre les barbares.

(2) Arrivé sur un point où l’on disait le fleuve navigable, il profita de la rencontre fortuite de plusieurs petites embarcations pour descendre le courant, dérobant ainsi sa marche autant que possible. Il le pouvait d’autant mieux, qu’avec ses habitudes de frugalité et d’abstinence, les aliments les plus grossiers lui étaient bons ; ce qui le dispensait de toute communication avec les villes ou forteresses riveraines. Il aimait à s’appliquer cette belle parole de Cyrus l’ancien à son hôte, qui lui demandait ce qu’il voulait pour son dîner : "Rien que du pain, répondit-il ; car j’ai là près un ruisseau."

(3) Cependant les mille voix que l’on prête à la renommée ne tardèrent pas à répandre par toute l’Illyrie, avec la dose d’exagération ordinaire, le bruit de Julien vainqueur des peuples et des rois, s’avançant, fier de tant de succès, à la tête d’une formidable armée.

(4) À cette nouvelle, le préfet du prétoire Taurus s’enfuit comme devant une invasion étrangère, et franchit rapidement, à force de relais, les Alpes Juliennes, entraînant par son exemple son collègue Florence sur ses pas.

(5) Le comte Lucillien commandait à Sirmium la force armée des deux provinces. Au premier avis de l’approche de Julien, il tira tout ce qu’il put de troupes de leurs stations respectives, et se mit en devoir de résister.

(6) Mais la barque de Julien, prompte comme un trait, ou comme le brandon lancé d’une machine de guerre, arrive à Bononie, à dix milles de Sirmium ; et