Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/196

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(12) Les deux plus célèbres sont Méroé et le Delta, ainsi appelé de la figure triangulaire qui lui est commune avec la lettre grecque de ce nom. Depuis l’entrée du soleil dans le signe du Cancer jusqu’à ce qu’il passe dans celui de la Balance, le niveau du Nil s’élève pendant cent jours. Il décroît ensuite, et ses eaux, baissant peu à peu, livrent aux communications par voiture les campagnes où l’on ne pouvait circuler qu’en nacelle.

(13) L’inondation pèche par excès comme par défaut. Lorsqu’elle est excessive, le séjour trop prolongé des eaux détrempe le sol, et retarde les travaux de l’agriculture ; lorsqu’elle est insuffisante, la récolte est frappée de stérilité. Jamais le propriétaire ne souhaite que le débordement dépasse la hauteur de seize coudées. Mais il n’est pas rare, s’il s’opère dans une juste mesure, que les semences confiées au terrain ne rendent jusqu’à soixante-dix pour un. C’est le seul fleuve dont le cours n’imprime à l’air aucune agitation.

(14) L’Égypte est peuplée d’une multitude d’animaux tant terrestres qu’aquatiques. Elle en a qui vivent indifféremment sur terre et dans l’eau, et qu’on nomme pour cette raison amphibies. Dans les terrains secs elle nourrit des chèvres et des buffles, des variétés de singes offrant la réunion des plus bizarres caractères de difformité, et d’autres monstres dont la nomenclature n’aurait rien d’intéressant.

(15) Le crocodile y abonde parmi les espèces aquatiques ; on l’y trouve dans tous les cantons. C’est un quadrupède dangereux, qui s’accommode de l’un et l’autre élément. Il n’a pas de langue, et sa mâchoire inférieure est seule mobile. Ses dents, alignées comme celles d’un peigne, mordent avec fureur tout ce qu’elles peuvent saisir. Il est ovipare, et ses oeufs ressemblent à ceux d’une oie.

(16) Il a des pieds armés d’ongles ; et s’ils n’étaient dépourvus de pouce, leur étreinte serait de force à faire chavirer une embarcation. La longueur de l’animal atteint quelquefois dix coudées. Il dort la nuit sous les eaux, et vient le jour chercher sa pâture sur terre. La dureté de sa peau est telle qu’elle forme cuirasse sur son dos, et qu’un trait parti d’une baliste l’entamerait à peine.

(17) La férocité du crocodile s’adoucit comme par une sorte de trêve, et reste suspendue pendant les sept jours de cérémonies consacrées par les prêtres de Memphis à célébrer l’anniversaire du Nil.

(18) Il a diverses races d’ennemis, et souvent il meurt le ventre ouvert par certain poisson crustacé, de la figure du dauphin, qui l’attaque par ce côté faible. Il périt encore des crocodiles de la manière que voici :

(19) Un petit oiseau, nommé trochile, a l’instinct, lorsqu’il en rencontre un au repos, de picorer en voltigeant autour de ses mâchoires ; ce qui leur procure un chatouillement qui les desserre, et l’oiseau s’introduit de cette façon jusqu’au gosier. Aussitôt que la gueule est ouverte, l’ichneumon, espèce d’hydre, pénètre par l’ouverture que le volatile lui a faite jusque dans les entrailles du crocodile, les torture et les ravage, et se fait jour ensuite en lui perçant le ventre.

(20) Hardi contre ceux qui fuient, le crocodile est sans courage quand on l’affronte. Il voit mieux à terre que dans l’eau, et passe, dit-on, les quatre mois de l’hiver sans prendre de nourriture.

(21) Ce pays produit aussi l’hippopotame, le plus intelligent des êtres à qui la raison est refusée.