Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/222

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de conserve, et se tenir constamment à notre hauteur.

(5) Nous arrivâmes après deux jours de marche à la ville de Doura sur l’Euphrate, que nous trouvâmes déserte. De nombreux troupeaux de cerfs se montraient dans les environs ; nous en abattîmes à coups de flèches et à coups de rames de quoi rassasier l’armée. Le reste, grâce à sa promptitude à nager, traversa le fleuve et regagna l’abri de ses solitudes, sans qu’on pût mettre obstacle à sa retraite.

(6) Nous fîmes ensuite quatre petites journées ; et, vers le soir de la dernière, le comte Lucillien eut ordre de prendre mille hommes légèrement armés dans des barques, et d’aller enlever le fort d’Anathan, situé, comme presque tous ceux du pays, dans une île de l’Euphrate. Les barques prennent donc position autour de la place, masquées par une épaisse nuit.

(7) Mais, aux premières lueurs du jour, un habitant qui sortait pour puiser de l’eau jeta de grands cris en voyant les nôtres, et donna l’alarme à la garnison. Julien, qui s’était placé en observation sur une hauteur, passe alors le bras du fleuve avec deux navires de renfort, suivi de plusieurs autres qui portaient des machines de siège.

(8) Mais arrivé sous les murs, et jugeant qu’une attaque de vive force présentait de grands dangers, il voulut d’abord tenter sur les assiégés l’effet des promesses et des menaces. Ceux-ci demandèrent à s’entendre avec Hormisdas, qui réussit à faire impression sur eux en se portant garant de la mansuétude avec laquelle ils seraient traités.

(9) Ils vinrent donc tous faire leur soumission, précédés d’un bœuf couronné, qui chez ce peuple est un emblème d’intentions pacifiques. Le fort évacué fut sur-le-champ réduit en cendres. Pusée, son commandant, obtint le tribunat pour récompense, et, dans la suite, le duché d’Égypte. Le reste des habitants fut traité humainement, et transféré corps et biens à Chalcis en Syrie.

(10) Dans le nombre se trouvait un soldat romain qui avait fait partie de l’expédition de Maximien, et qui était resté malade en arrière. Il avait pris plusieurs femmes, suivant la mode du pays, et était devenu la souche d’une nombreuse famille. Quand on l’abandonna, il était, disait-il, à peine en âge d’avoir de la barbe, et nous le retrouvions sous les traits d’un vieillard décrépit. La reddition de la place, à laquelle il passait pour avoir contribué, comblait cet homme de joie. Il prenait à témoin diverses personnes d’avoir toujours prédit qu’il mourrait à près de cent ans, et serait enterré en terre romaine. À quelque temps de là, des coureurs sarrasins vinrent présenter des prisonniers à l’empereur, qui en témoigna sa satisfaction la plus vive, et, pour les engager à continuer, les combla de présents.

(11) Le lendemain fut marqué par un accident assez fâcheux. Un vent impétueux qui s’éleva par tourbillons bouleversa toutes nos tentes et en déchira plusieurs. Il soufflait avec tant de violence que les soldats ne pouvaient se tenir debout, et qu’il y en eut un grand nombre de renversés. Nous eûmes le même jour une espèce de désastre. Le fleuve, débordant tout à coup, submergea plusieurs de nos barques chargées de grains. Des barrages en pierres destinés à retenir les eaux,