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Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/231

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l’armée. Or un soldat, avec la conscience d’avoir, aussi bien mérité, n’eût certes pas manqué de se faire connaître. Mais pour un qui resta ignoré, les noms de tous ceux qui s’étaient distingués d’ailleurs furent mis en lumière. La couronne obsidionale leur fut décernée, et, suivant l’usage antique, leur éloge fut prononcé devant l’armée.

(25) Envahie de deux côtés, la malheureuse ville fut bientôt complètement occupée ; et ; sans distinction d’âge ou de sexe, la furie du vainqueur immola tout ce qui se rencontra d’abord. Quelques-uns placés entre le fer et la flamme, pour échapper au péril présent ; se précipitèrent eux-mêmes du haut de leurs murailles et, mutilés par leur chute, souffrirent mille fois la mort en attendant le coup qui leur arracha la vie.

(26) Il n’y eut de pris vivant que Nabdatès, chef des gardes du roi, avec quatre-vingts de ses hommes. On les présenta à l’empereur, qui, dans sa clémence, donna l’ordre de les épargner. Le butin fut ensuite équitablement réparti suivant le mérite. Quant à l’empereur, qui se contentait de peu, il ne se réserva que trois pièces d’or et un enfant muet, doué de la pantomime la plus gracieuse et la plus éloquente, et se déclara très convenablement récompensé pour sa victoire.

(27) Parmi ses captives il s’en trouvait naturellement de très séduisantes, car la Perse est renommée pour la beauté de ses femmes. Julien ne voulut pas même les voir. C’est un trait de ressemblance avec Alexandre et Scipion l’Africain, qui, supérieurs aux travaux et aux périls, craignaient de succomber à la volupté.

(28) Durant le siège un de nos ingénieurs, dont le nom m’échappe, se trouvant près de l’affût d’un scorpion, eut la poitrine brisée par la pierre que le pointeur avait maladroitement ajustée à la fronde, et qui fut chassée en sens inverse de sa direction. On le trouva étendu sur le dos, et tellement disloqué que son corps ne conservait plus la forme humaine.

(29) L’empereur eut avis qu’un parti ennemi se tenait caché non loin des murs de la ville détruite, dans un de ces souterrains dont il existe un grand nombre dans le pays, et se préparait à tomber sur notre arrière-garde.

(30) Il dépêcha aussitôt pour le débusquer un détachement d’infanterie composé d’hommes d’élite. Ceux-ci ne crurent pas devoir s’engager dans cette caverne ; et, ne pouvant attirer ceux qui l’occupaient au dehors, ils en fermèrent l’entrée avec un amas de chaume et de sarments, et y mirent le feu. La fumée, d’autant plus épaisse qu’elle trouvait moins de jour à pénétrer dans l’intérieur, suffoqua un grand nombre de Perses. La flamme qui les gagnait força le reste à s’offrir d’eux-mêmes à la mort. Après en avoir eu raison par le fer ou par le feu, les nôtres revinrent au camp. Ainsi la valeur romaine triompha de cette puissante et populeuse cité, et n’en laissa que cendres et que ruines.

(31) L’armée, après cette glorieuse expédition, eut à traverser successivement plusieurs rivières sur des ponts, et se trouva en face de deux forts construits avec un soin tout particulier. Là Victor, qui nous précédait, fut tenu quelque temps en échec au passage d’une rivière. Il avait devant lui le fils du roi, sorti de Ctésiphon avec des forces considérables. Mais ce prince, voyant s’approcher