Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/241

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d’une torche allumée, sillonna l’air et s’évanouit aussitôt. Julien frissonna, songeant que c’était sans doute l’étoile de Mars qui se manifestait à lui sous cet aspect sinistre.

(5) Ce n’était autre chose que le météore appelé en grec g-diaissonto, lequel en réalité ne tombe ni ne touche jamais la terre. Car c’est folie et impiété de croire possible la chute d’un corps céleste. Diverses causes produisent ce phénomène ; il suffira d’en dénoncer quelques-unes

(6) Tantôt c’est quelque étincelle échappée au feu de l’éther, et qui s’éteint quand la force lui manque pour aller plus loin ; tantôt c’est l’effet du rayonnement de la lumière sur la densité de la nue, ou de son adhérence fortuite à ses flancs Cette lumière prend la figure d’une étoile, dont la course dure aussi longtemps que la matière ignée l’alimente, et qui, bientôt perdue dans l’espace, se dissout et s’absorbe dans la substance même dont le frottement lui a fait prendre feu.

(7) Dès avant l’aube du jour Julien manda les haruspices étrusques, et les consulta sur la signification de ce phénomène. Leur réponse fut qu’il fallait ajourner toute entreprise. Ils s’appuyaient sur l’autorité du livre de Tarquitius, au chapitre "De rebus divinis", lequel recommande, en cas d’apparition d’un météore au ciel, de s’abstenir de livrer bataille et de faire acte de guerre quelconque.

(8) Et comme Julien, sceptique en mainte occasion, ne tenait de leur avis aucun compte, ils le supplièrent au moins de suspendre sa marche de quelques heures. Mais l’empereur ne transigea pas même sur ce point, devenu tout à coup réfractaire à l’art divinatoire ; et le camp fut levé dès que le jour parut.

Chapitre III

(1) De ce moment les Perses, que leurs précédents échecs avaient instruits à redouter l’infanterie romaine en bataille rangée, ne firent plus qu’observer notre marche, guettant des hauteurs le moment de nous surprendre. Cette manœuvre inquiéta nos soldats au point de les empêcher de se retrancher de tout le jour.

(2) On ne put que se renforcer sur les flancs, et marcher carrément par bataillons ; ordre qui, suivant les accidents du terrain, laissait parfois entre eux des vides. Tout à coup l’on annonce à Julien, qui, sans avoir pris le temps de s’armer, poussait en avant une reconnaissance, que l’on attaque son arrière-garde.

(3) Dans l’émotion il prend le premier bouclier venu, oubliant d’endosser sa cuirasse, et court au lieu du conflit. Mais il apprend en chemin que l’avant-garde, qu’il vient seulement de quitter, est également compromise.

(4) Il s’y reporte aussitôt, insouciant de son propre danger, pour rétablir les affaires, quand une nuée de cataphractes perses vient charger en flanc la colonne, déborde notre aile gauche, qui plie, et s’acharne à coups de lance et de traits sur nos bataillons, déjà ébranlés par les cris et l’odeur des éléphants.

(5) Cependant la vue de son prince, qui se multiplie pour faire face partout au danger, provoque un élan de notre infanterie légère, qui, prenant les Perses à dos, taille en pièces les hommes et tranche les jarrets des éléphants.

(6) Les cris, les gestes de Julien, qui signale aux siens cet avantage, les animent à le poursuivre ; lui- même en donne l’exemple avec une ardeur qui lui fait