Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/252

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antique, mais entourée d’une vaste solitude et depuis longtemps déserte. Les belliqueux empereurs Trajan et Sévère avaient à plusieurs reprises tenté sa destruction, et faillirent, comme il a été dit dans la vie de l’un et de l’autre, y périr avec tout leur monde.

(6) Là, comme nous avions devant nous soixante-dix milles de pays plat et aride, où l’on ne trouve qu’une eau saumâtre et fétide, et pour toute nourriture des plants d’aurone, d’absinthe et de serpentine, nous remplîmes d’eau douce tout ce qui nous restait d’ustensiles, et nous nous procurâmes une nourriture, assez peu saine il est vrai, en tuant nos chameaux et nos autres bêtes de somme.

(7) Après une marche de six jours, l’herbe même manqua, dernière ressource dans les cas extrêmes. Nous fûmes alors joints près du château d’Ur par Cassien, duc de Mésopotamie, et le tribun Maurice, qui nous amenaient un convoi de vivres prélevé par Procope et Sébastien sur les magasins plus ménagés des corps de réserve qu’ils commandaient.

(8) L’autre Procope, notaire, et Mémoride, tribun militaire, partirent aussitôt, avec mission de notifier dans l’Illyrie et les Gaules la mort de Julien, et l’avènement de Jovien au pouvoir suprême.

(9) Le prince leur remit pour les offrir à son beau-père Lucillien, alors retiré du service, et jouissant du repos à Sirmium, les brevets de maître de l’infanterie et de la cavalerie. Ils devaient aller trouver ce dernier dans sa retraite, et le presser de se rendre à Milan pour affermir l’ordre et pour organiser une force répressive si, ce que redoutait surtout Jovien, quelque rébellion venait à surgir.

(10) Dans une lettre particulière, il conseillait à Lucillien de s’entourer d’hommes habiles et sûrs, dont le concours pût être employé suivant les cas.

(11) Un choix des mieux raisonnés lui fit jeter les yeux sur Malaric, qui était alors en Italie uniquement occupé de ses affaires privées, pour remplacer Jovin dans le commandement militaire des Gaules, et il lui en envoya les insignes. Il y avait une double intention dans cette préférence. D’un côté, c’était écarter un mérite supérieur et conséquemment suspect, et, de l’autre, dépasser tous les vœux que l’ambition de l’homme eût pu former, et l’intéresser puissamment au maintien du régime faible encore dont il tiendrait cet avancement.

(12) Les deux mandataires avaient pour instruction de se concerter, afin de mettre sous le meilleur jour les derniers actes, et notamment la transaction qui terminait heureusement la guerre avec les Perses ; de voyager jour et nuit pour plus de célérité, et, aussitôt qu’ils auraient remis les lettres du prince aux autorités militaires et provinciales, et discrètement sondé l’opinion touchant le nouveau règne, de revenir promptement faire leur rapport, afin que, d’après l’état où il saurait les choses sur les points éloignés, le gouvernement pût prendre ses mesures plus sûrement et en connaissance de cause.

(13) Mais la renommée, si prompte messagère des mauvaises nouvelles, devançait partout les envoyés. Ce fut comme un coup de foudre pour les habitants de Nisibe, quand ils apprirent que leur ville allait être livrée à Sapor. Ils se représentaient avec effroi quelles rancunes devaient être amassées dans l’âme de ce roi par les nombreux