Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/258

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Chapitre I

(1) J’ai consciencieusement conduit ma narration jusqu’au point où commence l’époque actuelle. Arrivé à cette période, en présence de la génération témoin des faits, il serait de la prudence peut-être de ne pas aller plus loin. D’abord, la vérité elle-même a ses périls. Et puis, que de gens pour crier qu’on leur fait tort, pour peu que l’historien omette un mot sorti de la bouche du prince à table, ou ne dise pas précisément à quel sujet, tel jour, la troupe aura été convoquée ; ou bien encore si sa discrétion fait grâce de quelques bicoques à ses lecteurs dans la description déjà prolixe d’une contrée, et s’abstient de citer nominativement chaque individu présent à l’investiture d’un préteur ! Ces minuties sont peu dignes de la gravité de l’histoire, qui ne vit que de généralités et dédaigne les détails secondaires. D’ailleurs, s’astreindre à les relever toutes serait folie au même degré que vouloir nombrer les corpuscules qui remplissent l’espace, et que nous appelons atomes.

(2) Ce sont toutefois des appréhensions de ce genre, comme l’a remarqué Cicéron dans sa lettre à Cornélius Népos, qui font que peu d’auteurs de l’antiquité ont laissé voir le jour, de leur vivant, à ce qu’ils ont écrit sur l’histoire contemporaine. Mais, au risque d’essuyer des critiques vulgaires, je poursuis ce que j’ai commencé.

(3) Un bien faible intervalle, marqué seulement par des malheurs, séparait ainsi le deuil de deux princes. Le corps du dernier frappé fut, après les soins nécessaires, dirigé sur Constantinople, où ses cendres allaient reposer avec celles de ses prédécesseurs. L’armée prit ensuite la route de Nicée,