Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/289

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nulle part. Le spectacle de ce brigandage impuni, et des dévastations qu’il laissait à sa suite, émut le lieutenant d’Asie, nommé Musonius, qui avait enseigné la rhétorique à Athènes. Mais le désordre était dans l’administration et la désorganisation dans la force militaire, corrompue par la mollesse. Musonius prit le parti de rassembler autour de lui quelques éléments de cette milice à demi armée, connue sous le nom de Diogmites, et d’attaquer la première bande qu’il rencontrerait. Mais, en cherchant à franchir un étroit défilé de ces montagnes, il ne put éviter une embuscade, où tout son monde périt avec lui.

(7) Ce succès, qui donna aux Isauriens la confiance de se disséminer, tira enfin nos troupes de leur torpeur. On fit justice d’un certain nombre de ces brigands ; le reste, repoussé jusque dans ces ténébreux repaires, y fut encore relancé. Tant qu’enfin, ne trouvant plus ni repos ni moyen de subsistance, ces barbares, d’après le conseil des habitants de Germanicopolis, qu’ils ont toujours suivis comme chefs de files, se décidèrent à demander la paix. On exigea d’eux des otages, qu’ils livrèrent ; après quoi ils restèrent longtemps sans commettre aucun acte d’hostilité.

(8) Rome était alors sous l’excellente administration de Prétextat, dont toute la vie n’est qu’une suite d’actes d’intégrité et de droiture. Ce magistrat réussit à se faire aimer, tout en sachant se faire craindre : talent bien rare assurément, car l’affection chez les subordonnés ne se concilie guère avec la crainte.

(9) Son autorité, ses sages conseils, mirent fin au schisme violent qui divisait les chrétiens. Ursin fut expulsé. Une parfaite tranquillité régna dès lors dans la ville, à la vive satisfaction de ses habitants, et permit au préfet d’augmenter sa propre gloire par plus d’une utile réforme.

(10) Il fit disparaître toutes ces usurpations de la voie publique, qu’on appelle Maenianes, et que prohibaient les anciennes lois ; purgea les temples des constructions parasites dont trop souvent l’intérêt privé profane et déforme leurs approches ; établit dans tout son ressort l’uniformité de poids et mesure, seul moyen d’empêcher les exactions et les fraudes dans le commerce. Enfin, sa conduite comme juge lui mérite ce bel éloge fait par Cicéron de Brutus : "La faveur, à laquelle il ne concédait rien, s’attachait pourtant à tous ses actes."

Chapitre X

(1) Vers ce temps-là, pendant une absence de Valentinien, qui en croyait le secret bien gardé, un prince allemand nommé Rando, qui avait mieux pris ses mesures, profita de ce que Moguntiacum était dégarni de troupes pour s’y introduire par un coup de main.

(2) Ce jour se trouvait par hasard celui d’une grande solennité du christianisme. Le chef barbare put, sans coup férir, entraîner après lui des prisonniers sans nombre de toute condition et de tout sexe, et se charger d’un riche butin.

(3) Mais cet échec fut bientôt suivi pour nous d’un retour favorable. Tous les moyens étaient mis en œuvre pour nous débarrasser du fils de Vadomaire, Vithicab, prince d’une constitution faible et valétudinaire, mais dont le courage ardent soulevait contre nous à tout moment ses compatriotes.

(4) Après plusieurs vaines tentatives contre sa vie ou sa liberté, il finit par succomber, à notre instigation, sous les coups d’un de ses domestiques. Sa mort rendit quelque temps les hostilités moins