Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/296

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à Rome, naquit obscurément à Sopiana, dans la Valérie. Son père y était greffier de l’office présidial, et tirait son origine de la nation des Carpis, à qui Dioclétien fit quitter le sol natal pour les transporter dans la Pannonie.

(6) Maximin, après avoir reçu une éducation médiocre, et s’être essayé sans succès au barreau, fut successivement administrateur de la Corse et de la Sardaigne, et enfin correcteur de la Toscane. De là il fut appelé aux fonctions de préfet des subsistances à Rome, et pendant un intérim géra concurremment la préfecture de la ville et celle de la province. Trois motifs contribuèrent à le tenir en bride à son début.

(7) D’abord il se souvenait que son père, homme très versé dans la science des haruspices et des augures, lui avait autrefois prédit qu’il parviendrait au poste le plus élevé, mais qu’il mourrait de la main du bourreau. En second lieu, il avait contracté certaine liaison avec un magicien sarde qui savait évoquer les mânes des suppliciés, conjurer les larves, en tirer la révélation de l’avenir ; et la crainte de quelque indiscrétion de cet homme, dont plus tard on l’accusa de s’être traîtreusement défait, le força tant que celui-ci vécut à se montrer humain et traitable. Enfin il tenait du serpent, et, comme lui, savait ramper jusqu’au moment de s’élancer sur ses victimes.

(8) Voici quelle fut pour Maximin l’occasion de lever le masque : Une plainte d’empoisonnement avait été portée devant Olybrius, alors préfet de Rome, par Chilon, ex-lieutenant d’Afrique, et Maxima, sa femme, contre le luthier Séricus, Asbolius, maître d’escrime, et l’haruspice Campensis. Elle avait eu pour effet l’arrestation immédiate des prévenus.

(9) Mais l’état d’infirmité du préfet faisant traîner l’affaire en longueur, les plaignants, impatientés, obtinrent par requête que la connaissance en fût attribuée au préfet des subsistances.

(10) Maximin allait avoir enfin du mal à faire, et, comme chez les animaux du cirque dont la loge vient de s’ouvrir, sa férocité, jusque-là contenue, tout à coup prit l’essor. L’affaire se compliqua dès le prélude. Dans les révélations arrachées par la torture, quelques noms illustres se trouvèrent compromis, comme ayant employé leurs clients à des pratiques criminelles ; mais en général il ne s’agissait que de gens sans aveu, délinquants ou délateurs d’habitude. Le juge d’enfer saisit ce prétexte pour étendre sa mission. Un rapport envenimé sur ces incidents fut aussitôt mis sous les yeux du prince, exposant que le débordement des crimes à Rome réclamait une extension des rigueurs d’information et de pénalité, dans l’intérêt de la morale et de la vindicte publique.

(11) Valentinien, esprit plus emporté, qu’ami de la justice, rugit de fureur à la lecture de la dépêche, et s’empressa de décréter, par une assimilation tout à fait arbitraire au crime de lèse-majesté, que par exception la torture serait au besoin appliquée à toutes les classes de personnes qui ont à cet égard privilège d’exemption, d’après le droit ancien et les décisions impériales.

(12) En même temps, pour grandir Maximin et doubler en lui la puissance du mal, on lui donna l’intérim de la préfecture, et, qui plus est, on lui adjoignit pour ces informations, qui devaient être fatales à tant de têtes, le notaire Léon, depuis