Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/31

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vant les rites nationaux des deux peuples ; et, les actes solennels accomplis, l’empereur alla passer l’hiver à Milan.

XI. Là, désormais libre de tout souci, il concentra toutes ses pensées sur ce qui était pour lui l’affaire difficile, le nœud gordien : en finir avec Gallus. Plus d’une fois, la nuit, il agita la question avec ses affidés dans ses conférences secrètes. Emploierait-on la force ou la ruse pour arrêter cet audacieux dans ses projets de renversement ? Voici le moyen auquel on s’arrêta. Une lettre bienveillante et flatteuse fut écrite à Gallus pour l’appeler auprès de l’empereur, sous prétexte d’affaires de la plus haute importance. Une fois qu’on l’aurait isolé de la sorte, rien de plus facile que de lui porter le dernier coup.

Cet avis cependant trouva de nombreux contradicteurs dans ce tourbillon d’intérêts versatiles ; entre autres Arbétion, promoteur d’intrigues aussi ardent que rusé, et Eusèbe, grand chambellan, qui le passait encore en scélératesse. Tous deux alléguaient le danger de la présence d’Ursicin en Orient, où il allait se trouver seul après le départ de Gallus, et sans contre-poids pour son ambition. En quoi ils étaient puissamment secondés par la cabale des eunuques du palais, alors possédée d’une fureur de s’enrichir inimaginable, et qui ne savait que trop bien profiter des facilités de son service intime pour semer contre cet homme de bien les plus perfides insinuations. Tous les ressorts de leur malignité étaient tendus pour le perdre. C’étaient de continuels chuchotements « sur ses deux fils déjà grands, et dont les visées pouvaient bien aller jusqu’à l’empire, intéressants comme ils étaient tous deux par leur beauté, leur jeunesse, et leur dextérité singulière à exécuter les passes multipliées de l’armature ; talents dont on ne manquait pas de faire parade aux yeux de l’armée, dans les exercices militaires de chaque jour. On avait habilement exploité la nature féroce de Gallus, pour pousser ce prince à des excès qui devaient révolter tous les ordres de l’État ; le tout pour en venir un jour à faire passer les insignes du pouvoir aux enfants du général de la cavalerie. »

Ces propos ne manquèrent pas d’arriver aux oreilles du prince, en pareil cas toujours ouvertes, toujours accessibles. Ils eurent d’abord l’effet de le jeter dans l’incertitude. Mais enfin il prit son parti, qui fut de s’assurer d’abord d’Ursicin. Ce dernier fut donc invité, dans les termes les plus flatteurs, à se rendre à la cour. On avait besoin, soi-disant, de s’entendre avec lui sur des mesures urgentes à prendre contre les Parthes, dont les armements extraordinaires menaçaient l’empire d’une prochaine irruption. Pour lui ôter toute défiance, le comte Prosper, son lieutenant, fut chargé de le remplacer dans son service jusqu’au retour. Au reçu de la lettre, munis tous deux d’ordres pour les relais de l’État, nous nous rendîmes en diligence à Milan.

Il ne restait plus qu’à presser Gallus de partir. Constance, pour écarter jusqu’à l’ombre d’un soupçon, fit dans sa lettre les plus affectueuses instances pour qu’il amenât avec lui sa femme, cette sœur chérie qu’il désirait tant revoir. Celle-ci hésita d’abord, sachant bien de quoi Constance était capable. Elle consentit toutefois au voyage, espérant en son influence sur son frère ; mais elle eut à peine mis le pied en Bithynie, qu’elle mourut subitement d’un accès de fièvre, à la station appelée les Cènes galliques.

Cette mort privait son époux de l’appui sur