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Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/336

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laisser aux réclamations le temps de parvenir à l’empereur.

(5) En dernier lieu, Gabinius, roi des Quades, vint lui-même conjurer Marcellien, avec les supplications les plus humbles, de ne pas pousser les choses plus loin. Celui-ci alors feignit de se radoucir, et invita le roi et sa suite à un festin ; mais, au mépris des droits les plus sacrés, il fit assassiner son hôte sans défiance, au moment où il se retirait après le repas.

(6) La nouvelle de cet atroce guet-apens fut aussitôt répandue chez les Quades et les nations voisines, et y porta l’exaspération. Une commune douleur réunit ces peuples ; et leurs bandes dévastatrices, franchissant bientôt le Danube, tombèrent à l’improviste sur la population agricole de l’autre rive, alors occupée à la moisson, tuèrent plusieurs habitants, et emmenèrent chez eux le reste, avec force bétail de diverses espèces.

(7) Peu s’en fallut qu’on n’eût à déplorer un malheur irréparable, et que l’honneur romain ne reçût l’atteinte la plus cruelle. La fille de l’empereur Constance, fiancée à Gratien, et que l’on conduisait à son époux, faillit être enlevée dans l’hôtellerie de Pistrense, où elle prenait son repas. Mais, par une faveur du ciel, Messala, correcteur de la province, qui se trouva présent, la fit monter dans son char, et franchit avec elle, à toute bride, la distance de vingt-six milles qui les séparait de Sirmium.

(8) Cette heureuse rencontre sauva la jeune princesse d’une captivité qui serait devenue une calamité publique, au cas où les barbares eussent refusé sa rançon. Les Sarmates et les Quades, déprédateurs et pillards par excellence, étendirent encore leurs ravages, tantôt enlevant hommes, femmes et troupeaux, tantôt incendiant les maisons, égorgeant sans pitié les habitants surpris, et triomphant avec une joie sauvage des ruines et de la dévastation qu’ils opéraient.

(9) De proche en proche l’effroi gagna Sirmium, où résidait alors Probus, en qualité de préfet du prétoire. Probus n’était rien moins qu’aguerri contre les émotions de ce genre. Le danger lui apparut sous les couleurs les plus sombres ; dans son trouble, il n’osait même lever les yeux, et ne savait quel parti prendre. L’idée lui vint un moment de se procurer de bons relais, et de fuir à la faveur de la nuit ; mais, mieux conseillé, il n’en fit rien.

(10) On lui avait représenté, en effet, que toute la population de Sirmium allait, à son exemple, chercher d’autres retraites, et que la ville, privée de défenseurs, tomberait entre les mains de l’ennemi.

(11) Revenu peu à peu de sa frayeur, Probus tendit toutes les forces de son esprit pour subvenir aux exigences de la situation ; il fit déblayer les fossés obstrués par les décombres, réparer des pans entiers de murailles qu’on avait laissés en ruine durant la paix, et les éleva même à la hauteur de tours. Son goût le portait à bâtir ; et une réserve de fonds destinée à la construction d’un théâtre lui fournit, dans cette circonstance, une ressource suffisante pour pousser avec célérité les travaux et les achever. Enfin, il compléta ces dispositions par une mesure non moins utile, en faisant venir d’un quartier voisin une cohorte d’archers pour défendre la ville en cas de nécessité.

(12) C’était assez pour ôter aux barbares jusqu’à l’idée de tenter le siège. Étrangers à ce genre de tactique, et embarrassés de leur butin, ils aimèrent mieux se mettre à la poursuite d’Équitius, qui, selon le dire des prisonniers, s’était enfui au fond de la Valérie. Ils tournèrent donc leur