Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/337

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course de ce côté, frémissant de rage, et impatients d’arracher la vie à l’homme qu’ils croyaient l’auteur de la trahison dont leur prince avait été la victime.

(13) On envoya contre eux deux légions, la Pannonienne et la Mésiaque, troupes excellentes, et qui indubitablement l’auraient emporté si elles eussent agi de concert. Mais pendant leur marche une dispute de préséance et de commandement mit la discorde entre elles, et elles manoeuvrèrent sans s’entendre.

(14) Les Sarmates s’en aperçoivent, et, sans même attendre le signal de leurs chefs, tombent brusquement sur la légion Mésiaque, lui tuent un grand nombre de soldats qui n’avaient pas même eu le temps de s’armer ; puis, enhardis par ce succès, fondent sur la légion Pannonienne, qui est rompue par leur choc, et dont la destruction était complète si une partie de son monde n’eût trouvé son salut dans la fuite.

(15) Tandis que la fortune se montrait à nous si contraire sur ce point, Théodose le Jeune, duc de Mésie, et qui s’illustra depuis sur le trône, livrait, d’un autre côté, une suite de combats heureux aux Sarmates libres (qu’on désigne ainsi pour les distinguer de leurs esclaves rebelles), et les repoussait de nos frontières. Il leur donna de si rudes leçons, que le plus grand nombre de ces barbares servit de pâture aux oiseaux de proie et aux bêtes féroces.

(16) Les survivants, abattus et découragés, craignirent que l’actif général ne fît une diversion sur leurs propres frontières, ou ne détruisît ce qui restait de leurs troupes, en les surprenant au milieu des vastes forêts qu’ils avaient à traverser. Tous leurs efforts pour se faire jour ayant échoué, ils renoncèrent à combattre, et implorèrent la paix et l’oubli du passé. Une trêve leur fut accordée ; et la présence d’un corps redoutable de Gaulois, envoyé pour renforcer l’état militaire de l’Illyrie, contribua sans doute à la leur faire respecter.

(17) Au milieu de ces convulsions de l’empire, pendant que Claude était préfet de Rome, le Tibre, qui se décharge dans la mer Tyrrhénienne après avoir reçu les eaux d’une multitude d’affluents naturels ou factices, grossi tout à coup démesurément par les pluies, se répandit hors de son lit, et submergea presque entièrement la ville, que son cours régulier coupe en deux parties. Le sol, partout où il est plan ou déprimé, disparut sous les eaux.

(18) Les collines seules et les parties élevées des quartiers se montraient au-dessus de l’inondation, et présentaient quelque refuge. Toute communication étant interrompue, une foule de personnes seraient mortes de faim si l’on n’eût organisé un service de bateaux pour leur porter la nourriture. À la fin le fléau s’apaisa ; les eaux de tous côtés se frayèrent un passage vers la mer, et l’on reprit confiance en l’avenir.

(19) Du reste, l’administration de Claude fut des plus tranquilles, ne laissant à la malveillance aucun prétexte légitime d’exciter des troubles, et se signala par de nombreuses restaurations d’édifices, parmi lesquelles il faut citer le grand portique contigu aux bains d’Agrippa, et qu’on appelle de Bonne-Aventure, à cause de la proximité du temple de ce nom.


Traduction sous la direction de M. Nisard, Paris Firmin Didot, 1860
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