Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/676

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démontre qu’on tire plus de service des soldats qui savent l’escrime que des autres. Il est une chose qui fait comprendre combien le soldat exercé l’emporte sur celui qui ne l’est pas : c’est la supériorité, dans la guerre, de ceux qui savent l’escrime sur tous leurs camarades. Les anciens en conservaient l’usage avec tant de soin, qu’ils donnaient double ration aux maîtres d’armes, et que les soldats qui n’avaient pas bien profité de leur leçon recevaient leur ration en orge. On ne la leur rendait en blé que lorsqu’en présence du préfet de la légion, des tribuns et des soldats d’élite, ils prouvaient, par une épreuve publique, qu’ils s’étaient formés à toutes les parties de l’art militaire ; car il n’y a rien de plus solide, de plus prospère, de plus glorieux, qu’une république qui abonde en soldats instruits. Ce n’est pas la beauté des habillements, ni l’or, ni l’argent, ni les pierreries, qui nous font respecter ou rechercher par nos ennemis : la seule crainte de nos armes nous les peut soumettre. Enfin, si dans le cours des affaires ordinaires on s’est trompé, comme dit Caton, on peut se corriger ; mais dans la guerre les fautes ne se réparent point, et l’erreur est promptement suivie du châtiment. Ceux qui ont manqué d’habileté et de courage ou bien restent sur le champ de bataille, ou, s’ils fuient, n’osent plus dans la suite se croire capables de tenir tête aux vainqueurs.

chapitre xiv.
Qu’il faut exercer les nouveaux soldats à lancer le javelot.

Mais, pour en revenir à mon sujet, le nouveau soldat qu’on exerce ainsi contre le pieu doit l’attaquer, ainsi qu’un ennemi, avec des dards et des javelots plus pesants que ceux dont on se sert à la guerre. Lorsqu’il aura acquis de la facilité à les manier, un maître lui enseignera à les lancer avec un certain tour de bras qui leur imprime un plus grand degré de force, et qui les dirige au pilier même, ou du moins très près : exercice très propre à augmenter l’adresse et la vigueur.

chapitre xv.
Qu’il faut exercer à l’arc les nouveaux soldats.

Il faut aussi faire tirer au pieu le tiers ou le quart des nouveaux soldats, avec des arcs de bois et avec des flèches dont on se sert dans les jeux. Cet exercice demande des maîtres habiles ; car il faut l’être pour former l’archer à bien manier son arc, à lui donner toute la tension possible, à tenir la main gauche ferme et immobile, à conduire la droite avec méthode, à fixer également son œil et son attention sur l’objet qu’il a pour but ; en un mot, à tirer juste, soit à pied, soit à cheval. On ne peut répéter trop souvent ni trop attentivement cette espèce d’exercice, dont Caton démontre l’utilité dans son Traité de la discipline militaire. Ce ne fut qu’après avoir formé d’excellents archers, que Claudius vainquit un ennemi jusqu’alors son vainqueur. Scipion l’Africain, prêt à livrer combat aux Numantins, qui avaient fait passer l’armée romaine sous le joug, n’imagina rien de plus propre à les rendre supérieurs, que de mêler dans chaque centurie des archers d’élite.