Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/695

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guerre. Un vieux soldat qui n’a point été exercé est toujours nouveau. Ceux qu’on appelait armatures, et généralement tous les soldats, apprenaient sans cesse les exercices de l’escrime, qui ne sont aujourd’hui qu’un vain spectacle donné, les jours de fête, dans le cirque. C’est par l’usage continuel des forces du corps qu’on acquiert la légèreté et l’adresse de porter des coups certains à l’ennemi, et de se garantir des siens. C’est par la même répétition que les soldats apprendront dans ces combats simulés une chose bien plus essentielle encore, c’est-à-dire à garder leurs rangs, et à ne point quitter leurs enseignes dans les évolutions les plus embarrassées : à la fin, ceux qui sont bien instruits ne font jamais de faute dans toutes les manœuvres, quelle que soit la confusion créée par la multitude. Il est très nécessaire que les nouveaux soldats s’exercent avec des armes de bois contre le pieu ; qu’ils apprennent à porter des coups à cet ennemi fictif, de pointe, de taille, aux flancs, aux pieds et à la tête ; qu’ils s’étudient à le frapper en sautant, à s’élever avantageusement sur le bouclier, et à s’abaisser tout à coup pour s’en couvrir ; tantôt à s’élancer en avant comme pour frapper, et tantôt à sauter en arrière. Il faut encore qu’ils s’exercent à lancer de loin des armes de jet contre les mêmes pieux, afin d’apprendre à bien diriger leurs coups et de se fortifier les bras. Les archers et les frondeurs dressaient pour but des fagots ou des bottes de paille, contre lesquels ils tiraient des flèches à six cents pieds de distance : ils jetaient aussi des pierres avec le fustibale, et frappaient souvent le but. Dans le combat, ils faisaient sans se troubler ce qu’aux champs ils avaient fait en se jouant. Il faut dresser les frondeurs à ne tourner qu’une seule fois la fronde autour de leur tête, avant que de lâcher la pierre. Autrefois on exerçait tous les soldats à jeter à la main des pierres d’une livre : cette manière est plus expéditive, parce qu’on se passe de fronde. On les obligeait encore à s’exercer sans cesse à lancer les armes de jet ou les flèches plombées ; et, pour ne pas en interrompre l’exercice pendant l’hiver, on construisait pour la cavalerie des manèges qu’on couvrait de tuiles ou de bardeaux, et, à leur défaut, de roseaux, d’herbes de marais ou de chaume. Pour l’infanterie, on bâtissait des basiliques ou grandes salles toujours ouvertes, afin d’avoir toujours des lieux à l’abri des injures de l’air pour exercer les troupes, lorsqu’il faisait mauvais temps ; mais dès que la pluie ou la neige cessait, on les exerçait à découvert, tant on craignait que la discontinuation du travail n’amollît les corps et les courages. On doit accoutumer les soldats à abattre des arbres, à porter des fardeaux, à nager dans la mer ou dans les rivières, à marcher à grands pas, à courir avec armes et bagages ; de telle sorte que ces travaux, répétés chaque jour en temps de paix, dans la guerre leur paraissent faciles. Ces exercices doivent être continuels, soit pour les légions, soit pour les troupes auxiliaires ; car autant le soldat bien exercé souhaite le combat, autant celui qui est ignorant l’appréhende. En un mot, qu’on se persuade qu’à la guerre l’art est au-dessus de la force ; et si on ôte la discipline et l’exercice, il n’y aura plus de différence entre un soldat et un paysan.