Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/720

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on est aussitôt vainqueur ; et si on ne réussit pas, le centre du moins n’est pas en danger, se trouvant protégé par les armés à la légère et les archers. Le sixième ordre est à peu près le même que le second, et passe pour le meilleur de tous : aussi les grands généraux y ont-ils recours, lorsqu’ils ne comptent ni sur le nombre ni sur la valeur de leurs troupes ; et c’est en sachant bien l’employer que, malgré le désavantage du nombre, ils ont souvent remporté la victoire. Voici en quoi il consiste : Dès que vous serez à portée de l’ennemi, que votre droite, composée de tout ce que vous avez de meilleures troupes, attaque sa gauche ; rangez le reste de votre armée en ligne droite, en forme de broche, par une évolution qui l’éloigne considérablement de la droite ennemie. Si vous pouvez prendre sa gauche en flanc et en queue, il sera battu sans ressource. Il ne peut, en effet, marcher au secours de sa gauche ni par la droite ni par son centre, parce qu’au moindre mouvement il trouverait en front le reste de votre armée, qui se présente à lui en forme d’un I. Cette façon de rabattre est d’un grand usage en marche. Le septième ordre consiste à vous aider d’une position capable de vous soutenir contre des troupes plus nombreuses et plus braves. Si vous pouvez, par exemple, vous ménager le voisinage d’une rivière, d’un lac, d’une ville, d’un marais, d’un bois qui soit sûr, appuyez-y l’une de vos ailes ; rangez votre armée sur cet alignement, en portant à votre autre aile, qui est découverte, la plus grande partie de vos forces, et surtout toute votre cavalerie et vos gens de trait : ainsi fortifié d’un côté par la nature du terrain, de l’autre par la supériorité du nombre, vous combattrez sans presque courir de risques. Une règle générale pour tous ces ordres de bataille, c’est de porter toujours tout ce que vous avez de meilleures troupes à l’endroit d’où vous projetez de faire le plus grand effort, soit à quelqu’une de vos ailes, en y faisant avancer des soldats d’élite ; soit au centre, en y formant de ces coins si propres à percer le centre ennemi ; car c’est ordinairement un petit nombre de braves gens qui décident de la victoire. Il est important qu’un général sache les poster avantageusement et les employer à propos.

chapitre xxi.
Qu’il faut faciliter une issue à l’ennemi enveloppé, pour le défaire plus facilement.

Un général qui ne sait pas bien la guerre compte sur une victoire complète, lorsqu’à la faveur du grand nombre ou d’un défilé, il tient son ennemi enveloppé au point de ne lui laisser aucune retraite ; en quoi il se trompe. Une troupe, ainsi réduite au désespoir, tire de son désespoir même des forces et de l’audace. Le soldat qui se voit assuré d’une mort prochaine, y court volontiers. Aussi a-t-on toujours goûté cette maxime de Scipion : Frayer la route à l’ennemi qui fuit. En effet, dès qu’une troupe ainsi enveloppée aperçoit une issue, tous s’y jettent en foule, songeant beaucoup moins à combattre qu’à fuir, et se laissant égorger comme des brutes. La poursuite est sans danger quand le vaincu jette les armes qui pourraient le défendre : et plus l’armée des fuyards est nombreuse, plus il est aisé de la tailler en pièces ; car l’avantage du nombre de-