Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/95

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Une des raisons encore pour lesquelles il évitait l’entretien des autres, est qu’il craignait toujours d’y commettre quelque faute. C’est ce qui lui faisait dire qu’il s’était repenti souvent d’avoir parlé, mais qu’il ne s’était jamais repenti de s’être tu. Admirable instruction, bien propre à nous faire entendre combien il est difficile de parler sans blesser la conscience, et combien le silence est propre à la conserver dans sa pureté. Aussi l’excellent auteur du livre de l’Imitation de Jésus-Christ (l. I, ch. 10 et 20) n’a pas manqué de la recueillir comme une des plus importantes qu’on puisse donner à ceux qui aspirent à la vie intérieure.

Personne cependant n’était plus en état de parler avec onction et avec dignité des choses de Dieu que le grand Arsène. Mais on peut ajouter aussi que ce fut dans le recueillement profond que lui procura son amour pour la retraite et le silence, qu’il puisa les lumières sublimes dont son âme fut éclairée, et qu’il acquit la facilité de parler de la vertu aussi bien qu’aucun des anciens du désert. C’était encore pour ne pas s’engager dans des conversations trop longues et trop épineuses, qu’il n’aimait pas à parler des passages des saintes Écritures difficiles à expliquer, sous prétexte de les éclaircir ; et par la même raison il évitait d’entretenir des relations avec les absents par lettres, n’en écrivant que lorsqu’il ne pouvait absolument s’en dispenser.

Toute son attention était donc de se cacher, de vivre inconnu aux hommes, de demeurer dans le secret de la face de Dieu, occupé sans cesse à le contempler et à prendre soin de son âme. Il n’était venu dans le désert que dans cette intention, et, pour s’animer davantage à se soutenir dans sa première résolution et à la pratiquer dans toute son étendue, il se disait souvent à lui-même ces belles paroles, que saint Eu-