Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/338

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
310
LA CIVILISATION ET LE GRANDS FLEUVES

nous voyons déjà le Maître : non point le Viçpati électif des temps passés, mais le des-pote qui s’impose, « le mâle qui rompt les résistances pudiques de la vierge et libre communauté[1] ». Dans l’Aryavarta, la royauté précéda de plusieurs siècles la constitution de castes et la toute-puissance brahmanique ; le passage suivant du Mahabharata[2] nous montre que la conception aryenne de l’autorité ne différait en rien de celle qui s’imposa sur les bords du Nil, du Tigre et de l’Euphrate : « Du roi dépend le devoir,… du roi dépendent les cérémonies des sacrifices ; des sacrifices dépendent tous les dieux ; des dieux la pluie dépend ; de la pluie, les herbes de la terre, et des herbes comestibles dépend le bien physique éternel de l’homme. » Dans nul autre pays peut-être, ce que nous voudrions appeler la genèse psychologique du despotisme n’a été révélée avec la même précision et la même clarté et, chose étrange, lorsque, dans l’Inde, le pouvoir royal a été considérablement amoindri de fait et rabaissé au-dessous de celui des prêtres, cette conception de la royauté s’est à peine modifiée au fond. On lit dans le code de Manou, la clef de voûte pourtant de tout le système brahmanique, que le roi est formé de « particules tirées de l’essence des dieux principaux… Non seulement il surpasse en éclat tous les autres mortels, mais c’est une grande divinité qui réside sous cette forme humaine ». De la comparaison

  1. Rig-Veda.
  2. Adi Parva, 1720, 1721.