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LA CIVILISATION ET LE GRANDS FLEUVES.

très intense dont l’école confucienne est loin d’avoir absorbé tous les courants. Les doctrines spiritualistes et mystiques se rattachant plus ou moins à la doctrine de la Voie (Tao) de Lao-tse, et aux spéculations transcendantes de l’Inde, paraissent s’être épanouies surtout dans les royaumes de l’Ouest. Par opposition à l’utilitarisme et au civisme confucien, les spiritualistes aboutissaient à un quiétisme allant jusqu’à l’épicuréisme ; souvent ils s’absorbèrent dans la recherche de la pierre philosophale et du breuvage d’immortalité. Mais nombre d’entre eux semblent avoir surpassé leurs adversaires sous le rapport du style et des beautés poétiques. Ces quiétistes[1] ne furent pas sans influence sur les esprits, puisque, pour triompher, le confucianisme dut transiger et adopter certains ouvrages hybrides, le célèbre I-king, par exemple, le classique des Transformations, livre mystique, et le Tchoun-yung (Milieu immuable). En raison même de l’indifférence politique qui constituait le fond de leur doctrine, les

  1. On cite, parmi ceux-là, Hoai-nañ, personnage issu de la dynastie impériale des Hañ. Il vivait au milieu d’artistes, d’astrologues et de magiciens, et était passionné pour la musique. Les extraits suivants donneront quelque idée du fond de ses doctrines : « La joie et la colère sont des détournements de la Voie ; le chagrin, les remords sont un vice du cœur ; les passions sont une dépravation de la nature… L’homme vrai est celui dont la nature se conforme à la Voie. Ce qui existe est pour lui sans importance ; le vrai et le vide (faux) pour lui sont égaux… S’il ne tient pas au ciel, son esprit est sans inquiétude ; s’il ne se soucie pas des choses, son cœur n’a pas d’erreur ; si la vie et la mort lui sont indifférentes, ses pensées ne seront pas oppressées. » (Vassilieff, ouv. cité.)