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LA CIVILISATION ET LE GRANDS FLEUVES.

veauté et sous un aspect progressiste et révolutionnaire. Substituer le souverain père, puisant son droit dans les soins intelligents qu’il prend du bien-être de ses sujets, au roi de droit divin, pharaon, ou ti, émanation inconsciente des forces cosmiques, voilà qui devait paraître et parut le moyen le plus simple d’humaniser l’ordre social, légué par un passé qui était le produit brutal du Milieu. Une page importante de l’histoire de l’humanité serait restée en blanc, si la Chine n’eût pas consacré vingt siècles de sa vie, à tenter l’expérience, d’abord, puis à se convaincre post factum, de son inanité. À plusieurs époques, le Céleste Empire a influé sur les destinées du monde occidental par l’action exercée sur les tribus nomades de cette vaste zone que nous avons plus haut décrite sous le nom de « Territoire des barbaries historiques » ; il nous a donné le ver à soie[1], le thé et d’autres produits utiles ; mais son plus beau titre à une place honorable dans l’histoire universelle, est d’avoir fait, à ses dépens, cette expérience nécessaire. Or le plan de la transformation du despote en père de la nation, avait été élaboré jusqu’aux moindres détails dans les écrits attribués au grand Koung-fou-tse, et aucun de ses corollaires n’y fut oublié : identification de l’impôt foncier avec la rente du sol, abolition des privilèges féodaux,

  1. Les premières « graines » de ver à soie furent apportées en Europe sous Justinien par deux moines qui avaient accompagné l’ambassade envoyée de Constantinople en Chine (530 ap. J.-C).