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LE HOANG-HO ET LE YANGTSE-KIANG.

chinois ne dit presque rien à l’oreille, tant il a de significations diverses[1]. De là, cette nécessité d’une écriture idéographique parlant aux yeux. Tous les efforts se portèrent sur l’élaboration d’une langue écrite, académique par sa nature même, et qui fut la cause principale de la prédominance des lettrés.

Jusqu’à ce jour, la Chine ne possède pas de langue parlée nationale, et les habitants de différents quartiers d’une grande ville ne peuvent s’entendre sans l’intermédiaire de la langue écrite. Les plus illettrés des Chinois comprennent si bien l’infériorité de leur idiome, que, pour les mille exigences de la vie journalière, ils se créent un dialecte à part qui s’achemine lentement vers le polysyllabisme et l’agglutination.

La Chine ne fut unifiée sous Tchi-hoangti (de la dynastie des Tsiñ, le « brûleur de livres » et le constructeur de la Grande Muraille), que parce que la langue écrite l’avait été par les lettrés. La gloire de Confucius, nous n’en doutons nullement, est due, en partie, au rôle initiateur qu’il joua dans le grand mouvement académique. Cette scission entre la langue écrite, comprise par tout homme plus ou moins instruit dans l’empire, comme en dehors des limites de la Chine, et la langue parlée, subdivisée à l’infini en dialectes et en patois, entrave le mouve-

  1. Dans le dictionnaire anglo-chinois de Wells Williams, j’ai compté plus de 190 groupes de mots qui se prononcent i. Gravité, extérieur imposant, homme sérieux, magistrat, etc., forment un groupe unique figuré par un seul caractère d’écriture.