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HISTOIRE DE FRANCE

de lui toucher la barbe. La France a touché ainsi familièrement toute poésie.

« Malgré l’abattement des misères, malgré la grande tristesse que le christianisme répandait sur le moyen âge, l’ironie perce de bonne heure. Dès le douzième siècle, Guibert de Nogent nous montre les gens d’Amiens, les cabaretiers et les bouchers, se mettant sur leur porte, quand leur comte, sur son gros cheval, caracolait dans les rues, et tous effarouchant de leurs risées la bête féodale.

« Le symbolisme armorial, ses riches couleurs, ses belles devises, n’imposaient probablement pas beaucoup à de telles gens. La pantomime juridique des actes féodaux faisait rire le bourgeois sous cape. Ne croyez pas trop à la simplesse du peuple de ces temps-là, à la naïveté de cette bonne vieille langue. Les renards royaux, qui s’affublèrent de si blanche et si douce hermine pour surprendre les lions, les aigles féodaux, tuaient, comme tuait le sphynx, par l’énigme et par l’équivoque. »


101 — page 161Ni la colombe, ni l’arche, ni la tunique sans couture, etc… Le glaive spirituel était émoussé…

« Una est columba mea, perfecta mea, una est matri suæ… Una nempe fuit diluvii tempore arca Noë… Hæc est tunica illa Domini inconsutilis… Dicentibus Apostolis : Ecce gladii duo hic… » (Preuves du différend, p. 55.) — « Qu’elle est forte cette Église, et que redoutable est le glaive… » (Bossuet, Oraison funèbre de Le Tellier.)


102 — page 162Nul doute que le pouvoir d’absoudre ne leur ait fait des ecclésiastiques d’irréconciliables ennemis…

C’est un des faits qui, par l’accord de tous les témoignages, avait été placé en Angleterre dans la catégorie des points irrécusables : « Articuli qui videbantur probati. » Tantôt les chefs renvoyaient à absoudre au frère chapelain, sans confession : « Præcipit fratri capellano eum absolvere a peccatis suis, quamvis frater capellanus eam confessionem non audierat. » (P. 377, col. 2, 367.) Tantôt ils les absolvaient eux-mêmes, quoique laïques : « Quod et credebant et dicebatur eis quod magnus magister ordinis poterat eos absolvere a peccatis suis. Item quod visitator. Item quod præceptores quorum multi erant laïci. » (358, 22 test.) « Quod… templarii laïci suos homines absolvebant. » (Concil. Brit., II, 360.) — « Quod facit generalem absolutionem de peccatis quæ nolunt confiteri propter erubescentiam carnis… quod credebant quod de peccatis capitulo