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HISTOIRE DE FRANCE

première heure du jour (six heures du matin), dans l’église de Sainte-Claire d’Avignon, et dans la même ville, au même mois d’avril, le même jour 6 et à la même heure, l’an 1348, cette lumière fut enlevée au monde, lorsque j’étais à Vérone, hélas ! ignorant mon triste sort. La malheureuse nouvelle m’en fut apportée par une lettre de mon ami Louis : Elle me trouva à Parme, la même année, le 19 mai au matin. Ce corps si chaste et si beau fut déposé dans l’église des Frères Mineurs, le soir du jour même de sa mort. Son âme, je n’en doute pas, est retournée au ciel, d’où elle était venue. Pour conserver la mémoire douloureuse de cette perte, j’éprouve un certain plaisir mêlé d’amertume à écrire ceci ; et je l’écris préférablement sur ce livre, qui revient souvent à mes yeux, afin qu’il n’y ait plus rien qui me plaise dans cette vie, et que, mon lien le plus fort étant rompu, je sois averti, par la vue fréquente de ces paroles et par la juste appréciation d’une vie fugitive, qu’il est temps de sortir de Babylone ; ce qui, avec le secours de la grâce divine, me deviendra facile par la contemplation mâle et courageuse des soins superflus, des vaines espérances et des événements inattendus qui m’ont agité pendant le temps que j’ai passé sur la terre. » (Trad. de M. Foisset, Biogr. univ., XXXI, p. 437.)


186 — page 277Le poète avait vu périr toutes ses espérances…

« Que faisons-nous maintenant, mon frère ? Nous avons tout éprouvé, et nulle part n’est le repos. Quand viendra-t-il ? où le chercher ? Le temps nous fuit, pour ainsi dire entre les doigts, nos vieilles espérances dorment dans la tombe de nos amis. L’an 1348 nous a isolés, appauvris, non point de ces richesses que les mers des Indes ou de Carpathie peuvent renouveler… Il n’est qu’une seule consolation ; nous suivrons ceux qui nous ont devancés… Le désespoir me rend plus calme. Que pourrait craindre celui qui tant de fois a lutté contre la mort :

Una salus victis nullam sperare salutem.

Tu me verras de jour en jour agir avec plus d’âme, parler avec plus d’âme ; et si quelque digne sujet s’offre à ma plume, ma plume sera plus forte. » (Petrarch. Epist. fam. Præf., p. 570.)


187 — page 277Lorsqu’il se rendit à Naples, la reine Jeanne avait succédé à Robert, etc.

« Ita me Reginæ junioris novique Regis adolescentia, ita me Reginæ alterius ætas et propositum ; ita me tandem territant auli-