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HISTOIRE DE FRANCE

par Jason », et il prit la conjugale et rassurante devise : « Autre n’auray. »

La nouvelle épouse s’y fia-t-elle ? Cela est douteux. Cette toison de Jason, ou de Gédéon[1] (comme l’Église se hâta de la baptiser), était, après tout, la toison d’or, elle rappelait ces flots dorés, ces ruisselantes chevelures d’or que Van Eyck, le grand peintre de Philippe-le-Bon[2], jette amoureusement sur les épaules de ses saintes. Tout le monde vit dans l’ordre nouveau le triomphe de la beauté blonde, de la beauté jeune, florissante du Nord, en dépit des sombres beautés du Midi. Il semblait que le prince flamand, consolant les Flamandes, leur adressait ce mot à double entente : « Autre n’auray. »

Sous ces formes chevaleresques, gauchement imitées des romans, l’histoire de la Flandre en ce temps n’en est pas moins comme une fougueuse kermesse, joyeuse et brutale. Sous prétexte de tournois, de pas d’armes, de banquets de la Table ronde, ce ne sont que galanteries, amours faciles et vulgaires, interminables bombances[3]. La vraie devise de l’époque est celle que le sire de Ternant osa prendre aux joûtes


    Toison le triomphe des drapiers de Flandre. Il n’y avait pourtant pas moyen de s’y tromper. Le galant fondateur joignait à la toison un collier de pierres à feu, avec ce mot : « Ante ferit quam flamma micat. » On y chercha vingt sens ; il n’y en a qu’un. La Jarretière d’Angleterre avec sa devise prude, la Rose de Savoie, ne sont pas plus obscures.

  1. « Plus tard encore, le prince vieillissant, on fit de Jason Josué. » (Reiffenberg.)
  2. Il fut valot de chambre, puis conseiller de Philippe-le-Bon. Il faisait partie de l’ambassade qui alla chercher l’infante Isabelle en Portugal. Voy. la Relation dans Gachard.
  3. App. 40.