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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/130

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HISTOIRE DE FRANCE

concile. Cauchon furieux fit venir les gardes et leur demanda qui avait visité la Pucelle. Le légiste et les deux moines furent en grand danger de mort[1]. Depuis ce jour ils disparaissent, et avec eux disparaît du procès la dernière image du droit.

Cauchon avait espéré d’abord mettre de son côté l’autorité des gens de loi, si grande à Rouen ; mais il avait vu bien vite qu’il faudrait se passer d’eux. Lorsqu’il communiqua les premiers actes du procès à l’un de ces graves légistes, maître Jehan Lohier, celui-ci répondit net que le procès ne valait rien, que tout cela n’était pas en forme, que les assesseurs n’étaient pas libres, que l’on procédait à huis clos, que l’accusée, simple fille, n’était pas capable de répondre sur de si grandes choses et à de tels docteurs. Enfin, l’homme de la loi osa dire à l’homme d’Eglise : « C’est un procès contre l’honneur du prince dont cette fille tient le parti ; il faudrait l’appeler, lui aussi, et lui donner un défenseur. » Cette gravité intrépide, qui rappelle celle de Papinien devant Caracalla, aurait coûté cher à Lohier. Mais le Papinien normand n’attendit pas, comme l’autre, la mort sur sa chaise curule ; il partit à l’instant pour Rome, où le pape s’empressa de s’attacher un tel homme et de le faire siéger dans les tribunaux du saint-siège ; il y mourut doyen de la Rote[2].

  1. L’inquisiteur déclara que si l’on inquiétait les deux moines, il ne prendrait plus aucune part au procès. (Notices des mss.)
  2. Voir la déposition infiniment curieuse et naïve de l’honnête greffier Guillaume Manchon. (Notices des mss.)