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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/136

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HISTOIRE DE FRANCE

Ce qui peint le temps, l’esprit inintelligent de ces docteurs, leur aveugle attachement à la lettre sans égard à l’esprit, c’est qu’aucun point ne leur semblait plus grave que le péché d’avoir pris un habit d’homme. Ils lui remontrèrent que, selon les canons, ceux qui changent ainsi l’habit de leur sexe sont abominables devant Dieu. D’abord elle ne voulut pas répondre directement et demanda un délai jusqu’au lendemain. Les juges insistant pour qu’elle quittât cet habit, elle répondit « qu’il n’était pas en elle de dire quand elle pourrait le quitter. — Mais si l’on vous prive d’entendre la messe ? — Eh bien ! Notre-Seigneur peut bien me la faire entendre sans vous. — Voudrez-vous prendre l’habit de femme pour recevoir votre Sauveur à Pâques ? — Non, je ne puis quitter cet habit pour recevoir mon Sauveur, je ne fais nulle différence de cet habit ou d’un autre. » Puis elle semble ébranlée et demande qu’au moins on lui laisse entendre la messe, et elle ajoute : « Encore si vous me donniez une robe comme celles que portent les filles des bourgeois, une robe bien longue[1]. »

On voit bien qu’elle rougissait de s’expliquer. La pauvre fille n’osait dire comment elle était dans sa prison, en quel danger continuel. Il faut savoir que trois soldats couchaient dans sa chambre[2], trois de ces brigands que l’on appelait houspilleurs. Il faut savoir

  1. « Sicut filiœ burgensium, unam houppelandam longam. » (Procès latin m,88., dimanche, 15 mars.)
  2. « Cinq Anglois, dont en demouroit de nuyt trois en la chambre. » (Notices des mss.)