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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/172

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HISTOIRE DE FRANCE

La sagesse anglaise s’était jouée elle-même ; elle s’était chargée de rendre la France sage, et c’est elle qui devint folle. Par la victoire, la conquête et le mariage forcé, l’Angleterre réussit à se donner un Charles VI. Conçu dans la haine, enfanté dans les larmes, peut-être à sa naissance regardé de travers par sa mère elle-même[1], le triste enfant vint au monde sous de fâcheux auspices et pauvrement doué. C’était du reste un enfant bon et doux ; avec de la douceur, il pouvait se faire que l’on tirât quelque parti de cette faible nature, mais il aurait fallu la patience de l’Amour et les tempéraments de la Grâce. L’esprit anglais est celui de la Loi. Le formalisme, la roideur, le cant, étaient déjà ce qu’ils sont aujourd’hui. Combien plus, sous un gouvernement de prêtres politiques, sortis pour la plupart de la scolastique, du pédantisme, et qui gouvernaient d’une même férule le roi et le royaume !… Scolastique et Politique, dures nourrices pour le pauvre enfant !… Le gouverneur, l’homme d’exécution pour cette discipline, ce fut le violent Warwick. Tour à tour gouverneur et geôlier, il fut choisi, nous l’avons dit, comme l'honnête homme du temps ; brave, dur et dévot, il se faisait fort de former son élève sur le patron voulu, de le corriger et le châtier[2]… Il travailla si bien sur le patient, il amenda et émonda si consciencieusement qu’il ne resta plus

  1. Elle se hâta de se remarier avec un ennemi des Anglais, le Gallois Owen Tudor. C'est justement de ce mariage d’un Gallois et d’une Française que vinrent les rois les plus absolus que l’Angleterre ait eus, les Tudors, Henri VIII, Marie, Elisabeth.
  2. Voy. plus haut, p. 99. App. 71.