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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/201

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DISCORDES DE L’ANGLETERRE. — ÉTAT DE LA FRANCE

la flamme ne l’eût touché. Le corps ne fut pas mis en cendres. « Des damoiselles de grand estat[1] » vinrent le chercher à la prairie de Nantes où était le bûcher, levèrent le corps de leurs nobles mains, et, avec l’aide de quelques religieuses, l’enterrèrent dans l’église des Carmes fort honorablement.

Le maréchal de Retz avait poursuivi son horrible carrière pendant quatorze ans, sans que personne osât l’accuser. Il n’eût jamais été accusé ni jugé sans cette circonstance singulière que trois puissances, ordinairement opposées, semblent s’être accordées pour sa mort : le duc, l’évêque, le roi. Le duc voyait les Laval et les Retz occuper une ligne de forteresses sur les Marches du Maine, de Bretagne et de Poitou ; l’évêque était l’ennemi personnel de Retz, qui ne ménageait ni églises ni prêtres ; le roi enfin, à qui il avait rendu des services et sur lequel peut-être il comptait, ne voulait plus défendre les brigands qui avaient fait tant de tort à sa cause. Le connétable de France, Richemont, frère du duc de Bretagne, était l’implacable ennemi des sorciers, aussi bien que des écorcheurs ; c’était sans doute par son conseil que, deux ans auparavant, le dauphin, tout jeune encore, avait été envoyé pour pacifier ces Marches et s’était fait livrer un des lieutenants du maréchal de Retz en Poitou[2]. Cette rigueur du roi prépara sans doute sa chute, et enhardit le duc de

  1. Jean Chartier.
  2. Bibl. royale, Legrand, Hist. mss. de Louis XI.