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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/247

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TROUBLES DE L’ANGLETERRE

de malheurs, elle fut toujours belle et majestueuse. Le grand historien de l’époque, qui la vit à la cour de Flandre bannie et suppliante, n’en fut pas moins frappé de cette imposante figure : « La Reine, avec son maintenir, se montroit, dit-il, un des beaulx personnages du monde, représentant dame [1]. »

Marguerite ne pouvait apparemment épouser qu’une grande infortune. Elle fut deux fois promise, et deux fois à de célèbres victimes du sort, à Charles de Nevers, dépouillé par son oncle, et à ce comte de Saint-Pol avec lequel la féodalité devait finir en Grève. Elle fut mariée plus mal encore : elle épousa l’anarchie, la guerre civile, la malédiction… À tort ou à droit, cette malédiction dure encore dans l’histoire.

Tout ce qu’elle avait de brillant, d’éminent et qui l’eût servie ailleurs, devait lui nuire en Angleterre. Si les reines françaises avaient toujours déplu, sous Jean, sous Edouard II, sous Richard II, combien davantage celle-ci, qui était plus que Française ! Le contraste des deux nations devait ressortir violemment. Ce fut comme un coup du soleil de Provence dans le monotone brouillard. « Les pâles fleurs du Nord », comme les appelle leur poète, ne purent qu’être blessées de cette vive apparition du Midi.

Avant même qu’elle ne vint, lorsque son nom n’avait pas encore été prononcé, on travaillait déjà contre elle, contre la reine qui viendrait. Tant que le roi n’était pas marié, la première dame du royaume était Éléonore

  1. Chastellain. L’ensemble du passage prouve que c’est bien du corps, de la personne physique qu’il s’agit.