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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/253

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TROUBLES DE L’ANGLETERRE

ruinait ; ces pauvres diables avaient sur le continent une richesse d’orgueil, une royauté d’imagination ; au moindre mot d’arrangement, le fellow sans chausses entrait en fureur, on voulait lui rogner son royaume de France, lui voler ce que la vieille Angleterre avait si légitimement gagné à la bataille d’Azincourt.

Les évêques régnants (Winchester, Cantorbéry, Salisbury et Chichester), dans le désir qu’ils avaient de la paix, dans leurs craintes que les dépenses de la guerre ne fissent toucher aux biens d’Église, négociaient toujours, mais n’osaient conclure. Ils n’en seraient peut-être jamais venus là, s’ils n’eussent eu avec eux dans le conseil un homme d’épée, lord Suffolk, qui les entraîna ; il fallait un homme de guerre pour amener la paix.

Suffolk n’était pas d’une famille ancienne. Les Delapole (c’était leur vrai nom) étaient de braves marchands et marins. L’aïeul fut anobli pour avoir fourni des vivres à Edouard Ier dans la guerre d’Ecosse. Le grand-père, factotum du violent Richard II, le servit comme amiral, général, chancelier ; loin de faire ainsi sa fortune, il fut poursuivi par le Parlement et il alla mourir à Paris. Le père, pour relever sa maison, tourna court et se donna aux ennemis de Richard, se donna corps et âme ; il se fit tuer, lui et trois de ses fils, pour la maison de Lancastre.

Le dernier fils, celui dont nous parlons, avait fait trente-quatre ans les guerres de France avec beaucoup d’honneur. Les revers d’Orléans et de Jargeau n’avaient fait aucun tort à sa réputation de bravoure. Cette