moment de la Renaissance, est gothique encore dans sa partie supérieure[1], mais tout moderne dans le reste. Il comprend un nombre innombrable de figures, tout le monde d’alors, et Philippe-le-Bon, et les serviteurs de Philippe-le-Bon, et les vingt nations qui venaient rendre hommage à l’agneau de la Toison d’or. De cette toison vivante, de l’agneau placé sur l’autel partent des rayons qui vont illuminer la foule pieuse ; par un bizarre allégorisme, les rayons touchent les hommes à la tête, les femmes au sein ; leur sein semble arrondi[2], fécondé du divin rayon[3].
Cette flamboyante couleur de Van Eyck éblouit l’Italie elle-même ; le pays de la lumière s’étonna de trouver la lumière au Nord. Le secret fut surpris, volé par un crime[4], le secret, mais non le génie. Aussi les Médicis aimèrent mieux s’adresser au maître lui-même. Le roi de Naples, Alphonse-le-Magnanime, âme poé-
- ↑ Ce sont trois figures immobiles avec leurs auréoles d’or ; mais dans cette immobilité rayonne déjà la vie moderne. Elle éclate dans la partie inférieure du tableau, la vie, la nature, la variété ; c’est un vaste paysage et trois cents figures habilement groupées. Ainsi l’harmonie commence dans la peinture, presque en même temps que dans la musique ; le moyen âge n’avait connu que l’unisson monotone, ou la mélodie individuelle. Voy. la note sur la musique mu moyen âge. (Réforme, 1855.)
- ↑ Ceci est favorisé par le costume du temps, dont les modes du nôtre se sont un moment rapprochées.
- ↑ C’est la pensée même de la Renaissance. Dans la femme, dans la Vierge-Mère, le moyen âge a surtout honoré la virginité, le quinzième siècle, la maternité ; la Vierge alors est Notre-Dame. Voy. Introduction à la Renaissance (1855).
- ↑ Tout le monde connaît l’histoire, ou le conte, d’Antonello de Messine qui, ayant vu un tableau de Van Eyck, court à Bruges, sous le costume d’un noble amateur, et tire de lui le secret de la peinture à l’huile. De retour en Italie, ce furieux Sicilien, jaloux comme on l’est en Sicile, poignarda celui qui eût partagé avec lui sa maîtresse chérie, la peinture.