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HISTOIRE DE FRANCE

Il y avait aussi des fêtes politiques, plus graves, mais non moins brillantes, les assemblées de la Toison d’or. Aux chapitres solennels de l’ordre, le duc de Bourgogne apparaissait comme chef de la noblesse chrétienne. Qui n’en eût pris cette idée, à l’assemblée de 1446, par exemple, lorsque dans l’église de Saint— Jean, majestueusement tapissée, parmi les triomphantes peintures de Van Eyck et la musique d’Ockenheim, le noble chapitre fut reçu par le clergé, et que chaque chevalier alla s’asseoir sous le large tableau où brillait son blason en vives couleurs ? Les tableaux vicies ou noirs indiquaient les morts ou les expulsés, les sévères justices de l’ordre. Un ciel de drap d’or marquait la place d’un membre éminent, du roi d’Aragon,

Le tableau commun de l’ordre de la Toison, son symbole, était sur l’autel, l’Agneau de Jean Van Eyck 1, qu’on venait voir des plus lointaines contrées. Le grand peintre et chimiste 2, qui fut pour la peinture un Albert-le-Grand, qui seul entre les hommes eut, dit-on, la puissance d’infuser dans ses couleurs les rayons du soleil, avait laissé là l’inachevable Cologne, le vieux symbolisme, la rêverie allemande, et dans le plus mystique des sujets, dans l’Agneau même de saint Jean, l’audacieux génie sut introniser la nature. Ce tableau, ce grand poème, qui date si bien le

. App. 161.

. Peu importe que Van Eyck ait trouvé la peinture à l’huile. La gloire appartient à celui qui s’est emparé, par le génie, d’une chose jusque-là inutile et obscure.