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Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/349

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JACQUES CŒUR. — LE DAUPHIN LOUIS

débiteur, d’avoir prêté à qui pouvait le payer d’un gibet.

Il y avait pourtant dans ce qu’il fit ici une chose qui valait bien qu’on la rappelât ; c’est que cet homme intelligent[1] rétablit les monnaies, inventa en finances la chose inouïe, la justice, et crut que pour le roi, comme pour tout le monde, le moyen d’être riche, c’était de payer.

Cela ne veut pas dire qu’il ait été fort scrupuleux sur les moyens de gagner pour lui-même. Sa double qualité de créancier de roi et d’argentier du roi, ce rôle étrange d’un homme qui prêtait d’une main et se payait de l’autre, devait l’exposer fort. Il paraît assez probable qu’il avait durement pressuré le Languedoc, et qu’il faisait l’usure indifféremment avec le roi et avec l’ennemi du roi, je veux dire avec le dauphin. Il avait en ce métier pour concurrents naturels les Florentins, qui l’avaient toujours fait. Nous savons par le journal de Pitti[2], tout à la fois ambassadeur, banquier et joueur gagé, ce que c’étaient que ces gens. Les rois leur reprenaient de temps en temps en gros, par confiscation, ce qu’ils avaient pris en détail. La colos-


    lui en ayant déjà chaussé un, s’enquit du paiement, et comprenant qu’il était fort incertain, déchaussa bravement le roi et emporta la marchandise ; on en fit une chanson, dont voici les quatre premiers vers :

    Quant le Roy s’en vint en France,
    Il feit oindre ses houssiaulx ;
    Et ta Reyne lui demande :
    Où veut aller cest damoiseaulx. App. 165.

  1. Le premier peut-être qui ait senti le besoin de connaître les ressources du royaume, et qui ait fait l’essai, il est vrai, inexécutable alors, d’une statistique. — Quant aux changements qu’il fit dans les monnaies, voy. Leblanc.
  2. App. 166.