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LA PUCELLE D’ORLÉANS

Quand on lit la liste formidable des capitaines qui se jetèrent dans Orléans : La Hire, Xaintrailles, Gaucourt, Culan, Coaraze, Armagnac ; quand on voit qu’indépendamment des Bretons du maréchal de Retz, des Gascons du maréchal de Saint-Sévère, le capitaine de Châteaudun, Florent d’Illiers, avait entraîné la noblesse du voisinage à cette courte expédition, la délivrance d’Orléans semble moins miraculeuse.

Il faut dire pourtant qu’il manquait une chose pour que ces grandes forces agissent avec avantage, chose essentielle, indispensable, l’unité d’action. Dunois eût pu la donner, s’il n’eût fallu pour cela que de l’adresse et de l’intelligence. Mais ce n’était pas assez : il fallait une autorité, plus que l’autorité royale : les capitaines du roi n’étaient pas habitués à obéir au roi. Pour réduire ces volontés sauvages, indomptables, il fallait Dieu même. Le Dieu de cet âge, c’était la Vierge bien plus que le Christ. Il fallait la Vierge descendue sur terre, une vierge populaire, jeune, belle, douce, hardie.

La guerre avait changé les hommes en bêtes sauvages ; il fallait de ces bêtes refaire des hommes, des chrétiens, des sujets dociles. Grand et difficile changement ! quelques-uns de ces capitaines armagnacs étaient peut-être les hommes les plus féroces qui eussent jamais existé. Il suffit d’en nommer un, dont le nom seul fait horreur, Gilles de Retz, l’original de Barbe bleue[1].

  1. Voir plus bas l’épouvantable Procès.