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HISTOIRE DE FRANCE

blessure était profonde ; le trait ressortait par derrière ; elle s’effraya et pleura[1]… Tout à coup, elle se relève ; ses saintes lui avaient apparu ; elle éloigne les gens d’armes qui croyaient charmer la blessure par des paroles ; elle ne voulait pas guérir, disait-elle, contre la volonté de Dieu. Elle laissa seulement mettre de l’huile sur la blessure et se confessa.

Cependant rien n’avançait, la nuit allait venir. Dunois lui-même faisait sonner la retraite. « Attendez encore, dit-elle, buvez et mangez » ; et elle se mit en prières dans une vigne. Un Basque avait pris des mains de l’écuyer de la Pucelle son étendard si redouté de l’ennemi : « Dès que l’étendard touchera le mur, disait-elle, vous pourrez entrer. — Il y touche. — Eh bien, entrez, tout est à vous. » En effet les assaillants, hors d’eux-mêmes, montèrent « comme par un degré ». Les Anglais, en ce moment, étaient attaqués des deux côtés à la fois.

Cependant les gens d’Orléans qui, de l’autre bord de la Loire, suivaient des yeux le combat, ne purent plus se contenir. Ils ouvrirent leurs portes, et s’élancèrent sur le pont. Mais il y avait une arche rompue ; ils y jetèrent d’abord une mauvaise gouttière, et un chevalier de Saint-Jean, tout armé, se risqua à passer dessus. Le pont fut rétabli tant bien que mal. La foule déborda. Les Anglais, voyant venir cette mer de peuple, croyaient que le monde entier était rassemblé[2].

  1. « Timuit, flevit… Apposuerunt oleum olivarum cum lardo. » (Notices des mss.)
  2. C’est ce qu’ils dirent le soir même, quand ils furent amenés à Orléans.