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LA PUCELLE D’ORLÉANS

Le vertige les prit. Les uns voyaient saint Aignan, patron de la ville, les autres, l’archange Michel[1]. Glasdale voulut se réfugier du boulevard dans la bastille par un petit pont ; ce pont fut brisé par un boulet ; l’Anglais tomba et se noya, sous les yeux de la Pucelle qu’il avait tant injuriée. « Ah ! disait-elle, que j’ai pitié de ton âme[2] ! » Il y avait cinq cents hommes dans la bastille ; tout fut passé au fil de l’épée.

Il ne restait pas un Anglais au midi de la Loire. Le lendemain, dimanche, ceux du nord abandonnèrent leurs bastilles, leur artillerie, leurs prisonniers, leurs malades. Talbot et Suffolk dirigeaient cette retraite en bon ordre et fièrement. La Pucelle défendit qu’on les poursuivît, puisqu’ils se retiraient d’eux-mêmes. Mais avant qu’ils ne s’éloignassent et ne perdissent de vue la ville, elle fit dresser un autel dans la plaine, on y dit la messe, et en présence de l’ennemi le peuple rendit grâces à Dieu (dimanche 8 mai)[3].

L’effet de la délivrance d’Orléans fut prodigieux. Tout le monde y reconnut une puissance surnaturelle. Plusieurs la rapportaient au diable, mais la plupart à Dieu ; on commença à croire généralement que Charles VII avait pour lui le bon droit.

  1. App. 30.
  2. « Clamando et dicendo : « Classidas, Classidas, ren ty, ren ty Regi cœlorum ! Tu me vocasti putain. Ego habeo magnam pietatem de tua anima, et tuorum… » … Incepit flere fortiter pro anima ipsius et aliorum submersorum. » (Notices des mss.)
  3. Le siège avait duré sept mois, du 12 octobre 1428 au 8 mai 1429. Dix jours suffirent à la Pucelle pour délivrer la ville ; elle y était entrée le 29 avril au soir. Le jour de la délivrance resta une fête pour Orléans ; cette fête commençait par l’éloge de Jeanne Darc, une procession parcourait la ville, et au milieu marchait un jeune garçon qui représentait la Pucelle. App. 31.