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Page:Michelet - OC, L’Amour, La Femme.djvu/355

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Pourquoi fortifier la famille ? dit un journal religieux. N’est-elle pas parfaite aujourd’hui ? Il y a bien eu autrefois ce qu’on appelait l’adultère, mais cela ne se voit plus. — Pardon, répond un grand journal politique dans un feuilleton spirituel qui a extrêmement réussi, pardon, cela se voit encore, et même on le voit partout, mais cela fait si peu de bruit, on y met si peu de passion, qu’on n’en vit pas moins doucement, c’est chose inhérente au mariage français et presque une institution. Chaque nation a ses mœurs, et nous ne sommes point Anglais.

Doucement ! oui, voilà le mal. Ni le mari ni l’amant n’en sont troublés ; elle non plus ; elle voudrait se désennuyer, voilà tout. Mais dans cette vie tiède et pâle, où l’on met si peu de cœur, où l’on dépense si peu d’art, où pas un des trois ne daigne faire effort de manière ou d’autre, tous baissent, tous bâillent, s’affadissent d’une nauséabonde douceur.


Chacun est bien averti, et personne n’a envie de ce mariage. Si nos lois de succession ne faisaient la femme riche, on ne se marierait plus, du moins dans les grandes villes.

J’entendais à la campagne un monsieur marié et père de famille, bien posé, qui endoctrinait un jeune homme de son voisinage : « Si vous devez rester ici, disait-il, il faudra bien vous marier, mais si vous vivez à Paris, cela n’en vaut pas la peine. Il est trop aisé de faire autrement. »

On sait le mot qui marqua la fin du peuple le plus spirituel de la terre, du peuple d’Athènes : « Ah !