ment. Cependant, trouvant que nous perdions trop de temps à l’employer à ces travaux forcés, nous le chargeâmes de porter uniquement les perches légères destinées à être mises en travers des poutres du radeau. Quand tout le bois fut réuni, on en forma soigneusement notre embarcation et l’on se prépara au passage ; mais le courant était si violent que nous eûmes de la peine à monter à temps tous à bord et qu’avant que nous eussions pu nous servir convenablement des perches que nous tenions pour diriger sa marche, le radeau était emporté. Nous dérivions avec une effrayante rapidité. D’abord nous eûmes lieu de craindre d’être inévitablement entraînés à nous briser contre des roches et contre un arbre qui pendaient du côté d’où nous étions partis. Pourtant électrisés par les jurons et par les cris forcenés de L’Assiniboine, nous fîmes de si vigoureux efforts que nous échappâmes de quelques lignes aux brisants. Mais, en évitant Scylla, nous tombions dans Charybde. Le courant qui frappait en cet endroit se précipitait ensuite vers la rive opposée. Avant donc que nous nous en fussions aperçus, ou du moins avant que nous eussions pu y remédier, nous étions enlevés dans un rapide furieux. Nous le passâmes comme une flèche et nous nous vîmes irrémédiablement emportés à une perte assurée, contre un gros sapin, à travers les branches inférieures duquel l’eau entrait en bouillonnant, comme celle qui vient de passer sous la roue d’un moulin. « À terre ! à terre avec la ligne ! » s’écria L’Assiniboine, et, au moment que nous passions près du bord, faisant dans l’eau un saut désespéré, il saisit les arbustes, escalada la rive et enroula sa corde autour d’un arbre. Au même instant, Cheadle sautait de son côté, et avec sa corde en faisait autant. Malheureusement ces cordages, pourris par l’humidité constante où ils étaient laissés, se brisèrent comme du fil, et le radeau, entraîné sous le sapin, disparut dans l’eau. Milton et la femme en furent enlevés par les branches comme des mouches. Quant à M. O’B., par un hasard inexplicable, il réussit à s’accrocher au
Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/263
Apparence