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Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/303

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Le 24, à midi, nous entrions dans une autre belle petite prairie, où des sentiers aboutissaient de toutes les directions, et se joignaient à notre chemin. Nous venions de traverser une rivière basse et claire, à laquelle nous avions donné le nom de Wentworth, quand nous entendîmes derrière nous M. O’B. crier et appeler à lui Cheadle. Nous nous arrêtâmes et le vîmes venir, tenant par la main, d’un air affectueux, l’Indien le plus hideux, le plus repoussant que j’eusse jamais vu. Il n’avait pour vêtement qu’une paire de culottes en guenilles ; sa peau était sale et sa figure tout à fait diabolique : du milieu de son vaste visage, s’élevait un nez enflé et raboteux, sa bouche était béante comme les portes de la Gehenne et ses yeux avaient un regard louche et malfaisant. Ce monstre, ce Caliban, comme nous l’appelâmes du premier abord, était suivi d’un individu plus jeune, dont l’apparence était plus favorable ; mais M. O’B. ne lui prêtait aucune attention, et toujours présentant Caliban, il s’écriait : « Voyez, milord ! voyez, docteur ! si, après tout, je n’ai pas été l’instrument de votre salut. » Il jacassait incessamment avec son nouvel ami, lui frappait familièrement sur l’épaule et le regardait dans les yeux avec un sourire enchanteur. Les deux Indiens nous ayant fait signe de les suivre, nous entrâmes avec eux dans une petite clairière. Il y avait là deux femmes et quelques enfants assis autour d’un feu où l’on faisait cuire quelques baies dans un pot de fer. Dès que nous eûmes nommé Kamloups, ils s’écrièrent : « Aiyou beaucoup, beaucoup ; aiyou thé, aiyou tabac, aiyou saumon, aiyou whisky, Kamloups ! » D’où nous conclûmes que nous trouverions là une abondance de bonnes choses. L’Assiniboine demanda par signes combien de temps il nous faudrait pour atteindre Kamloups ; le plus jeune des Indiens répondit en marchant vite et en se couchant successivement quatre fois ; ce qui voulait dire qu’à bien marcher nous mettrions quatre jours pour y arriver. Ensuite ces Indiens nous offrirent une portion de leurs baies, que nous mangeâmes très-volontiers et