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Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/19

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III
AVERTISSEMENT.

déplaisant ; il faut les dépouiller de leur forme ancienne et originale et les traduire en langage d’aujourd’hui. »

Ceux auxquels le vieux français est moins familier, ne seront plus absolument privés d’entrer en connaissance de cette œuvre si pleine d’intérêt et d’originalité. La traduction, qui serre d’assez près le texte, leur procurera cette satisfaction, en même temps que les notes et le lexique leur donneront tous les renseignements qu’une curiosité, qui naîtra d’elle-même, leur fera désirer quand le temps ne les pressera pas trop.

Si exacte que puisse être une traduction de Montaigne, et le proverbe italien est ici, comme ailleurs, de toute vérité : « Traduttore traditore », elle ne saurait pourtant rendre « la précision, l’énergie, la hardiesse de son style, le naturel, qui en font un de ses principaux charmes et donnent à son ouvrage un caractère si particulier et si piquant ; son parler en effet a une grâce qui ne se peut égaler en langage moderne ». Pour suppléer à cette infériorité et ne pas faire tort à l’auteur, que notre intention est de vulgariser et non d’amoindrir, texte et traduction ont été juxtaposés : juxtaposition que nous tenons comme tellement juste et indispensable, que nous nous ferions un véritable scrupule de consentir, aujourd’hui et plus tard, à ce que cette traduction, dont du reste elle permet de juger de la fidélité, soit publiée séparément.

Dans les Essais, les en-tête des chapitres n’ont que rarement un rapport tel avec les sujets si divers qui y sont traités, qu’ils renseignent suffisamment ; la table qui en a été faite et son annexe constituent un fil conducteur simple et utile, pour s’orienter dans ce fouillis inextricable par lui-même. — L’ensemble des sommaires ajoute à cette première facilité et la complète en faisant ressortir la liaison, toujours si difficile à saisir dans ce pêle-mêle de pensées ingénieuses, mais jetées le plus souvent sans ordre et au hasard ; il rend possible à tous de se faire une idée précise de l’ouvrage et de s’y reconnaître à coup sûr ; aussi sera-t-il fréquemment consulté, d’autant que des renvois, établis paragraphe par paragraphe, reportent, sans hésitation, au texte lui-même.

Il a semblé également intéressant de donner un relevé des passages des Essais les plus fréquemment cités, avec indication de l’endroit du texte où ils se trouvent ; pouvant ainsi les replacer dans le cadre d’où ils ont été tirés, on sera à même, le cas échéant, de leur restituer leur véritable sens dont, assez souvent, ils sont détournés.

En outre des mots et locutions hors d’usage dont nous avons déjà parlé, des faits historiques peu connus, des allusions à des événements de l’époque, des indications à préciser, des erreurs même se rencontrent fréquemment dans Montaigne. Les notes qui accompagnent cette édition sont de toutes sortes ; elles ont pour objet d’élucider ces divei"s points, et aussi de renseigner succinctement sur les principaux personnages mis en cause, signaler certains emprunts faits à notre auteur, ainsi que quelques-unes des appréciations émises par ses commentateurs, les sources où lui-même a puisé, enfin de consigner des rapprochements que la lecture de l’ouvrage fait naître spontanément.

C’est cet ensemble qui, donnant possibilité à chacun de lire les Essais avec intérêt et de les méditer à sa convenance, suivant l’instruction qu’il possède et le temps dont il dispose, fait que la présente édition justifie d’être à la portée de tous.

De ces diverses parties, seule la traduction en langage de nos jours