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Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/276

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Apres qu’on luy aura appris ce qui sert à le faire plus sage et meilleur, on l’entretiendra que c’est que Logique, Physique, Géométrie, Rhétorique : et la science qu’il choisira, ayant desia le iugement formé, il en viendra bien tost à bout. Sa leçon se fera tantost par deuis, tantost par liure : tantost son gouuerneur luy fournira de l’autheur mesme propre à cette fin de son institution : tantost il luy en donnera la moelle, et la substance toute maschee. Et si de soy mesme il n’est assez familier des liures, pour y trouuer tant de beaux discours qui y sont, pour l’effect de son dessein, on luy pourra ioindre quelque homme de lettres, qui à chaque besoing fournisse les munitions qu’il faudra, pour les distribuer et dispenser à son nourrisson. Et que cette leçon ne soit plus aisée, et naturelle que celle de Gaza, qui y peut faire doute ? Ce sont là préceptes espineux et mal plaisans, et des mots vains et descharnez, où il n’y a point de prise, rien qui vous esueille l’esprit : en cette cy l’ame. trouue où mordre, où se paistre. Ce fruict est plus grand sans comparaison, et si sera plustost meury.C’est grand cas que les choses en soyent là en nostre siècle, que la philosophie soit iusques aux gens d’entendement, vn nom vain et fantastique, qui se treuue de nul vsage, et de nul pris par opinion et par effect. Ie croy que ces ergotismes en sont cause, qui ont saisi ses auenues. On a grand tort de la peindre inaccessible aux enfans, et d’vn visage renfroigné, sourcilleux et terrible : qui me l’a masquée de ce faux visage pasle et hideux ? Il n’est rien plus gay, plus gaillard, plus enioué, et à peu que ie ne die follastre. Elle ne presche que feste. et bon temps. Vne mine triste et transie, montre que ce n’est pas là son giste. Demetrius le Grammairien rencontrant dans le temple de Delphes vne troupe de Philosophes assis ensemble, il leur dit : Ou ie me trompe, ou à vous voir la contenance si paisible et si gaye, vous n’estes pas en grand discours entre vous. À quoy l’vn d’eux, Heracleon le Megarien, respondit : C’est à faire à ceux qui cherchent si le futur du verbe βάλλω a double λ, ou qui cherchent la deriuation des comparatifs χεῖρον et βέλτιον, et des superlatifs χεῖριστον et βέλτιστον, qu’il faut rider le front s’entretenant de leur science : mais quant aux discours de la philosophie, ils ont accoustumé d’es-