Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/290

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science, mais à faute de volonté. Multum interest, vtrum peccare quis nolit, aut nesciat. Ie pensois faire honneur à vn Seigneur aussi eslongné de ces debordemens, qu’il en soif en France, de m’enquerir à luy en bonne compagnie, combien de l’ois en sa vie il s’estoit enyuré, pour la necessité des affaires du Roy en Allemaigne : il le print de cette façon, et me respondit que c’estoit trois fois, lesquelles il recita. I’en sçay, qui à faute de cette faculté, se sont mis en grand peine, ayans à pratiquer cette nation. I’ay sonnent remarqué auec grande admiration la merueilleuse nature d’Alcibiades, de se transformer si aisément à façons si diuerses, sans interest de sa santé ; surpassant tantost la sumptuosité et pompe Persienne, tantost l’austérité et frugalité Lacedemonienne ; autant reformé en Sparte, comme voluptueux en Ionie.

Omnis Aristippum decuit color, et status et res.


Tel voudrois-ie former mon disciple,

Quem duplici panno patientia velat,
Mirabor, vit via si conuersa decebit,
Personamque feret non inconcinnus vtramque.

Voicy mes leçons : Celuy-là y a mieux proffité, qui les fait, que qui les sçait. Si vous le voyez, vous l’oyez : si vous l’oyez, vous le voyez. Ia à Dieu ne plaise, dit quelqu’vn en Platon, que philosopher ce soit apprendre plusieurs choses, et traitter les arts. Hanc amplissimam omnium artium bene viuendi disciplinam, vita magis quàm literis persequuti sunt. Léon Prince des Phliasiens, s’enquerant à Heraclides Ponticus, de quelle science, de quelle art il faisoit profession : Ie ne sçay, dit-il, ny art, ny science : mais ie suis Philosophe. On reprochoit à Diogenes, comment, estant ignorant, il se mesloit de la Philosophie : Ie m’en mesle, dit-il, d’autant mieux à propos. Hegesias le prioit de luy lire quelque liure : Vous estes plaisant, luy respondit il : vous choisisses les figues vrayes et naturelles, non peintes : que ne choisissez vous aussi les exercitations naturelles, vrayes, et non escrites ?Il ne dira pas tant sa leçon, comme il la fera. Il la répétera en ses actions. On verra s’il y a de la prudence en ses entreprises : s’il y a de la bonté, de la iustice en ses deportements : s’il a du iugement et de la grâce en son parler : de la vigueur en ses maladies : de la modestie en ses ieux : de la tempérance en ses voluptez : de l’ordre en son œconomie : de l’indifférence en son goust, soit chair, poisson, vin ou eau. Qui disci-