nous encores de celle de nos femmes, de noz enfans, et de nos gens. Noz affaires ne nous donnoyent pas assez de peine, prenons encores à nous tourmenter, et rompre la teste, de ceux de noz voisins et amis.
Vah ! quemquàmne hominem in animum instituere, aut
Parare, quod sit charius, quàm ipse est sibi ?
La solitude me semble auoir plus d’apparence, et de raison, à ceux
qui ont donné au monde leur aage plus actif et fleurissant, à l’exemple
de Thales. C’est assez vescu pour autruy, viuons pour nous au
moins ce bout de vie : ramenons à nous, et à nostre aise nos pensées
et nos intentions. Ce n’est pas vne légère partie que de faire
seurement sa retraicte ; elle nous empesche assez sans y mesler
d’autres entreprinses. Puis que Dieu nous donne loisir de disposer
de notre deslogement ; préparons nous y ; plions bagage ; prenons
de bon’heure congé de la compagnie ; despétrons nous de ces violentes
prinses, qui nous engagent ailleurs, et esloignent de nous.Il faut desnoüer ces obligations si fortes : et meshuy aymer
cecy et cela, mais n’espouser rien que soy. C’est à dire, le reste
soit à nous : mais non pas ioint et colé en façon, qu’on ne le puisse
desprendre sans nous escorcher, et arracher ensemble quelque
pièce du nostre. La plus grande chose du monde c’est de sçauoir
estre à soy. Il est temps de nous desnoüer de la société, puis que
nous n’y pouuons rien apporter. Et qui ne peut prester, qu’il se
deffende d’emprunter. Nos forces nous faillent : retirons les, et
resserrons en nous. Qui peut renuerser et confondre en soy les
offices de tant d’amitiez, et de la compagnie, qu’il le face. En cette
cheute, qui le rend inutile, poisant, et importun aux autres, qu’il se
garde d’estre importun à soy mesme, et poisant et inutile. Qu’il se
flatte et caresse, et sur tout se régente, respectant et craignant sa
raison et sa conscience : si qu’il ne puisse sans honte, broncher en
leur présence. Rarum est enim, vt satis se guisque vereatur.Socrates
dit, que les ieunes se doiuent faire instruire ; les hommes
s’exercer à bien faire : les vieux se retirer de toute occupation
ciuile et militaire, viuants à leur discrétion, sans obligation à certain
office. Il y a des complexions plus propres à ces préceptes de