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Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/480

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stetit, verùm etiam decubuit turpiter ? Quis cùm decubuisset, ferrum recipere iussus, collum contraxit ? Meslons y les femmes. Qui n’a ouy parler à Paris de celle, qui se fit escorcher pour seulement en acquérir le teint plus frais d’vne nouuelle peau ? y en a qui se sont fait arracher des dents viues et saines, pour en former la voix plus molle, et plus grasse, ou pour les ranger en meilleur ordre. Combien d’exemples du mespris de la douleur auons nous en ce genre ? Que ne peuuent elles ? Que craignent elles, pour peu qu’il y ait d’agencement à espérer en leur beauté ?

Vellere queis cura est albos à stirpe capillos,
Et faciem dempta pelle referre nouam.

J’en ay veu engloutir du sable, de la cendre, et se trauailler à point nommé de ruiner leur estomac, pour acquérir les pasles couleurs. Pour faire vn corps bien espagnole, quelle géhenne ne souffrent elles guindées et sanglées, auec de grosses coches sur les costez, iusques à la chair viue ? ouy quelques fois à en mourir.Il est ordinaire à beaucoup de nations de nostre temps, de se blesser à escient, pour donner foy à leur parole : et nostre Roy en recite des notables exemples, de ce qu’il en a veu en Poloigne, et en l’endroit de luy mesme. Mais outre ce que ie sçay en auoir esté imité en France par aucuns, quand ie veins de ces fameux Estats de Blois, i’auois veu peu auparauant vne fille en Picardie, pour tesmoigner l’ardeur de ses promesses, et aussi sa constance, se donner du poinçon, qu’elle portoit en son poil, quatre ou cinq bons coups dans le bras, qui luy faisoient craquetter la peau, et la saignoient bien en bon escient. Les Turcs se font de grandes escarres pour leurs dames : et afin que la merque y demeure, ils portent soudain du feu sur la playe, et l’y tiennent vn temps incroyable, pour arrester le sang, et former la cicatrice. Cents qui l’ont veu, l’ont escrit, et me l’ont iuré. Mais pour dix aspres, il se trouue tous les iours entre eux qui se donnera vne bien profonde taillade dans le bras, ou dans les cuisses. Ie suis bien ayse que les tesmoins nous sont plus à main, où nous en auons plus affaire. Car la chrestienté nous en fournit à suffisance. Et après l’exemple de nostre sainct guide, il y en a eu force, qui par deuotion ont voulu porter la croix. Nous apprenons par tesmoing tres-digne de foy, que le Roy S. Loys porta la hère iusques à ce que sur sa vieillesse, son confesseur l’en dispensa ; et que tous les Vendredis, il se faisoit battre les espaules par son prestre, de cinq chainettes de fer, que pour cet effet on portoit emmy ses besongues de nuict.Guillaume nostre dernier Duc de Guyenne, père de cette Alienor, qui transmit ce Duché aux maisons de France et d’Angleterre, porta les dix ou douze derniers ans de