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De l’esprit des Lois,

C’est un beau morceau de l’antiquité que la relation d’Hannon : le même homme qui a exécuté, a écrit, il ne met aucune orientation dans ses récits. Les grands capitaines écrivent leurs actions avec simplicité, parce qu’ils sont plus glorieux de ce qu’ils ont fait, que de ce qu’ils ont dit.

Les choses sont comme le style. Il ne donne point dans le merveilleux ; tout ce qu’il dit du climat, du terrain, des mœurs, des manieres des habitans, se rapporte à ce qu’on voit aujourd’hui dans cette côte d’Afrique ; il semble que c’est le journal d’un de nos navigateurs.

Hannon remarqua[1] sur sa flotte, que le jour il régnoit dans le continent un vaste silence ; que la nuit on entendoit les sons de divers instrumens de musique ; & qu’on voyoit par-tout des feux, les uns plus grands, les autres moindres. Nos relations confirment ceci : on y trouve que le jour ces sauvages, pour éviter l’ardeur du soleil, se retirent dans les forêts ; que la nuit ils

  1. Pline nous dit la même chose en parlant du mont Alias : Noctibus micare crebris ignibus, tibiarum cantu timpanorumque sonitu strepere, neminem interdiù cerni.