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LES POÈTES ROMANTIQUES


Poètes furieux, abattus, révoltés,
Fiers interrogateurs de l’âme et des étoiles,
Voiliers dont l’ouragan vient lacérer la voile,
Vous qui pleurez d’amour dans un jardin d’été,

Vous en qui l’univers tout respirant s’engouffre
Avec les mille aspects des fougueux éléments ;
Vous, possesseurs du monde et malheureux amants,
Qui défaillez de joie et murmurez : « Je souffre ! »

De quoi ? De la forêt, du ciel bleu, des torrents,
Des cloches, doux ruchers d’abeilles argentines ?
Dans Aix, sur les coteaux pleins de ruisseaux errants,
De quoi souffriez-vous, mon tendre Lamartine ?

J’ai vu votre beau lac farouche, étroit, grondant,
Et la maison modeste où soupirait Elvire,
J’ai vu la chambre basse où pour vous se défirent
Ses cheveux sur son cou, ses lèvres sur ses dents.

De quoi souffriez-vous ? Je le sais, un malaise
Teinté de longs désirs, de regrets, d’infini,
Venait sur le balcon transir vos doigts unis,
Lorsque soufflait, le soir, le vent de Tarentaise.